1786, n°66, 7 mars, Variété, Aux Auteurs du Journal, ce 3 mars 1786

Messieurs,

Je suis très fort de l’avis de M le Marquis de Villette. Grâces soient rendues au Ministre éclairé et au Magistrat bienfaisant , qui, amis des Arts et des hommes, procurent à la Capitale décoration et salubrité. Je passais dernièrement sur le pont Notre-Dame. Un Vieillard respectable m’arrête et me dit : “Je suis bien vieux, Monsieur, j’ai 84 an. Je touche à ma fin ; mais je mourrai content si je vis encore assez pour voir la fin de cette opération” il voulait parler de la démolition des maisons qui sont sur les ponts, projet auquel tout le Public applaudit, et qu’on désirait depuis longtemps. Le pont Notre-Dame dont on s’occupe actuellement, est un des plus anciens de Paris, et on ne sera peut-être pas fâché dans la circonstance présente, de trouver ici quelques détails historiques sur ce pont.

Dès le règne de Charles V, et même avant, il existait un pont qui communiquait de la rue Planche-Mibrai à la Cité. Raoul de Pesle, qui vivait du temps de ce Prince, parle d’un Pont de Fust (de bois) qui subsistait en cet endroit. En 1412, ce pont tombant en ruine, la Ville entreprit de le reconstruire, mais toujours en bois, et le dernier Mai 1413 elle invita Charles Vi à venir poser la première pièce de ce nouveau pont.

Anciennement les maisons du pont Notre-Dame étaient de même hauteur et de même symétrie, ornées sur le devant de figures d’hommes et de femmes qui portaient des corbeilles de fruits sur leurs têtes. Entre deux étaient des médaillons qui représentaient les Rois de France, avec des légendes latines pour les distinguer. Ces ornements ne subsistaient plus, et les seuls vestiges qui en soient restés de nos jours étaient quatre niches placées aux deux extrémités de ce pont, dans lesquelles étaient, d’un côté, les statues en pied de St Louis et de Louis XIV, et de l’autre côté, celles de Henri IV et de Louis XIII. Ce pont fut décoré en 1660 à l’occasion de l’entrée de la Reine Marie-Thérèse d’Autriche, qui se fit le 26 août de cette année.

J’observerai en finissant, que le 15 janvier 1638, il fut rendu un Arrêt du Conseil qui fait défenses à toutes personnes de faire construire aucunes maisons, boutiques, loges, échoppes, sur les quais, ponts ou places publiques. Je ne sais par quelle fatalité une loi aussi sage et aussi bien vue, a été depuis violée dans tous ses points.

J’ai l’honneur d’être, etc

Signé D Fournier