1786, n°72, 13 mars, Variété, Aux Auteurs du Journal, ce 4 mars 1786

J’applaudis, Messieurs, comme de raison, au projet vraiment patriotique de M le Marquis de Villette, qui, dans sa Lettre du 24 Février dernier, insérée dans votre Feuille du 27, propose de placer sur le pont Notre-Dame la Statue de Louis XVI en regard avec celle d’Henri IV. L’idée heureuse et présente l’image d’un rapprochement bien juste et bien mérité. Mais outre que la ligne de direction ne serait pas parfaite, ce qui serait un grand défaut, il me semble qu’on pourrait procurer à la Cité un nouveau genre d’embellissement qui s’éloigne peu du projet proposé par M le Marquis de Villette. Ce ne serait point sur le pont Notre-Dame que je voudrais placer la Statue du Roi, mais en face du nouveau Palais de Justice. A cet effet j’alignerais et j’élargirais la rue de la vieille Draperie, et au carrefour de cette rue, de celle des Marmouzets, de la Lanterne et de la Juiverie, je formerais une place au centre de laquelle serait le Roi portant ses regards sur le Palais. Cette place dont on pourrait embellir successivement les abords, aurait pour point de vue, d’un côté le pont Notre-Dame naturellement aligné à la rue Saint Martin, et de l’autre le petit Pont, qui conduit droit à la rue Saint-Jacques. J’élargirais dès à présent la rue des Marmouzets dans toute sa longueur, et elle aurait pour terme de perspective une grande et belle porte qui conduirait au cloître Notre-Dame. Le Parlement obligé de se rendre fréquemment à la Cathédrale, pour les Cérémonies publiques, n’y peut arriver que par des rues qui nécessitent un détour désagréable. En conséquence de la place projetée, j’ouvrirais à côté de l’Eglise de la Magdeleine une grande et belle rue qui, passant derrière les Enfants Trouvés, irait droit au parvis ; de manière que le Parlement, sortant par la cour du Mai, se rendrait alors à la Cathédrale par la nouvelle place et la rue projetée. Ce n’est pas tout. Pour donner encore plus d’air à ce quartier, et plus de majesté à la nouvelle place, à l’angle que forment les rues des Marmouzets et de la Lanterne, j’en ouvrirais une de même grandeur que celle qui conduirait à Notre-Dame. Elle passerait derrière S Denis de la Chartre, et au moyen de cette percée, on découvrirait de la nouvelle place la rivière, la Grève et l’Hôtel-de-Ville sur lequel elle serait alignée. Je ne sais si cette idée a le mérite de la nouveauté ; mais je ne l’ai pas encore vue consignée nulle part. Quando haec erunt. J’avoue qu’il est facile d’ouvrir des places, et de former des rues à coup de plume ; et que souvent en pareil cas, on se rit de l’Auteur. D’ailleurs, j’ai contre moi le plus grand de tous les arguments ; celui du calcul. Tel est le sort de tous les projets de ce genre. Mais enfin je soumets le mien, tel qu’il est, aux lumières du Public et des gens de l’art. je ne peux que former des vœux pour son exécution. Si elle n’a pas lieu, j’aurai du moins fait un beau rêve.

J’ai l’honneur d’être, etc.

Signé D Fournier