1788, n°48, 17 février, Variétés, Aux Auteurs du Journal.

Messieurs,

Grâces ! mille grâces soient rendues au Ministre et au Corps municipal qui réalisent aujourd’hui les rêves que faisaient depuis un siècle les bons Parisiens sur les embellissements et la salubrité de la Cité.

Les maisons qui embarrassaient les ponts en les surchargeant sont presque toutes abattues ; deux quais sortent de dessous les masures qui en masquaient la vue ; mais ce n’est pas de l’énumération de ces utiles changements que je désire occuper le Public, c’est de la destination d’un de ces quais au Marché aux fleurs.

Le quai de la Ferraille, où se tient actuellement ce Marché, est le plus fréquenté des quais de Paris : il est obstrué d’échoppes, tour à tour proscrites et tolérées ; c’est le rendez-vous des Enrôleurs, des Charlatans, des Chansonniers, des Oiseleurs, des Regrattiers de tout genre ; sans parler des beignets qu’on frit su matin au soir sur ce quai ; il faut avouer que les avenues du Temple de Flore sont bien dégoûtantes.

On a destiné à la vente des fruits d’écorce l’emplacement qui est en face de la statue de Henri IV ; personne n’a réclamé, quoique cet étalage rétrécisse un peu la voie publique, il serait seulement à désirer que les échoppes fussent d’une forme plus agréable.

Traitons Flore aussi bien que Pomone, et plaçons-là sur le quai des Gêvres, qui, formant une saillie sur la rivière, donne un large emplacement. C’est pour un Marché aux fleurs la plus belle exposition ; aperçu des deux rives depuis le pont Neuf jusqu’au pont Marie ; en perspective de l’Isle S Louis, du pont Rouge, de l’Isle Notre-Dame, etc, ce sera le coup d’œil le plus agréable ; bien entendu qu’on ne tolérera point d’échoppes sur cet emplacement.

Les jours auxquels le Marché des fleurs ne tiendra pas, on pourra y laisser étaler les Marchandes de pommes, de cerises, de noix ; enfin que ce local soit exclusivement destiné aux dons de la terre.

Je crois que la destination que je propose de l’emplacement du quai des Gesvres pour un Marché aux fleurs réunirait les suffrages des habitants de la Capitale, et que dès lors elle ne peut qu’être accueillie par la Ville.