1786, n°164, 13 juin, Projet d’un marché aux Fleurs, Aux Auteurs du Journal, Paris mai 1786

Messieurs,

Les marchés publics d’Athènes et de Rome portaient l’empreinte d’élégance et de grandeur qui caractérise les monuments de ces deux premières villes de l’antiquité.

Rempli de ces souvenirs, un des matins du mois de mai, je visitai la rue au Fer, dont je suis le voisin. Des deux côtés d’un ruisseau fétide, cette rue étroite était occupée par quantité de villageoises chargées de plusieurs paquets de fleurs entassées sans ordre, et dont elles ne pouvaient étaler les beautés faute d’espace.

Ce spectacle me fit naître l’idée d’un marché aux fleurs à construire sur l’un des nouveaux emplacements que le Bureau de la ville vient de se procurer.

Une rotonde, d’un style léger, recevant le jour par un dôme de vitrage, rafraîchie d’une fontaine placée au milieu, pourrait être consacrée uniquement au commerce des fleurs : on y réunirait celui des arbres et arbustes qu’on met en vente deux jours de la semaine sur le quai dit de la Féraille. Ce petit établissement servirait en même temps de parure à la Capitale. Nos Parisiennes paresseuses le seraient bientôt moins, attirées par le spectacle riant qui les attendrait au lever de l’aurore. Les Amateurs de la belle nature, retenus au centre de la ville par leurs affaires, déroberaient volontiers une heure au sommeil pour se recréer devant des images fraîches et aimables. La vue journalière d’un parterre de fleurs, au centre de Paris, pourrait avoir plus d’influence qu’on ne se l’imagine.

J’ai pensé, Messieurs, que ce petit projet patriotique pourrait obtenir une place à la suite des plans plus vastes que vous avez offerts dans vos Feuilles consacrées tout à la fois à l’utilité et aux plaisirs du Public, dont vous êtes devenus les Confidents.

J’ai l’honneur d’être, etc

Signé Sylvain Maréchal