1786, n°254, 11 septembre Variété, Aux Auteurs du Journal

Messieurs,

Je croyais avoir dit mon dernier mot, mais la conscience me presse d’avouer encore les écarts de mon imagination.

Je déclare donc avant de mourir, que j’ai soutiré en bouteilles, hermétiquement bouchées, l’élixir de toutes les connaissances qui, selon moi, sont essentielles à la félicité de l’homme. Je vais déposer ce trésor dans le sein d’une des plus hautes montagnes des Pyrénées : j’y renfermerai aussi la petite fiole des vérités connues jusqu’à présent.

C’est à l’usage des Voyageurs instruits et bienfaisants de prendre ce moyen pour conserver le souvenir de leur passage, en insérant dans le verre, quoique fragile, toutes leurs découvertes. Peut-être ce dépôt est-il plus sûr que la pyramide encyclopédique qui m’a tant occupé. Je suis trop heureux d’avoir trouvé la manière de léguer à peu de frais toute ma fortune à la postérité, au bonheur de laquelle je m’intéresse de toute mon âme, et que je vais bientôt prévenir moi-même de ce que j’a fait pour elle.

Je suis, etc, l’Hermite des Pyrénées.