Conclusion du Chapitre I

L’ouvrage de Buchanan et Tullock n’était pas seulement l’aboutissement d’une réflexion sur l’État individualiste. C’était également l’aboutissement de la réflexion sur la question concernant la compatibilité entre les préférences individuelles et le choix collectif, question aux frontières des sciences économiques et politiques, stimulée par la nouvelle place de l’État dans la société d’après-guerre. L’ouvrage fut l’occasion d’affirmer également la supériorité du marché dans le processus de décision collective. Cette idée s’exprima institutionnellement par la création du Thomas Jefferson Center et la participation de Buchanan à la société du Mont Pèlerin.

La réception du livre de Buchanan illustrait certaines facettes du contexte scientifique. S’intéressant plus explicitement à un problème politique, le livre suscita également les commentaires de politologues, ainsi que d’un sociologue, qui, dans l’ensemble, accueillirent favorablement la démarche méthodologique. La plupart des commentateurs soulignèrent que dans le contexte de crise méthodologique de la science politique, le livre de Buchanan et Tullock était une contribution importante, véhiculant une démarche prometteuse. Comme pour confirmer cette idée, le livre avait notamment fait l’objet de comptes rendus par quatre futurs sympathisants de la Public Choice Society : Olson, Downs, Jerome Rothenberg, ou encore le politologue William Riker. De manière réciproque, certains économistes, tels que James E. Meade, voyaient dans ces élargissements de l’analyse économique un moyen d’enrichir l’analyse de sujets traditionnels impliquant l’intervention de l’État77.

Nous ne voulons pas suggérer que la réception générale du livre de Buchanan et Tullock fut très enthousiaste. De nombreuses critiques subsistèrent, et l’accueil général de l’analyse politique fondée sur les postulats de comportements maximisateurs fut marquée par un certain scepticisme, tant chez les économistes que chez les politologues (voir sur ce point l’analyse des recensions des premiers travaux de la Théorie du « choix public » par Medema, 2000). De nombreux comptes rendus relevèrent les contradictions internes et les problèmes logiques des démonstrations du livre (Olson, 1962 ; Downs, 1964 ; Rothenberg, 1964). Néanmoins, l’enthousiasme de certains sociologues (Robert McGinnis), politologues (Riker ou encore Irwin Gertzog), ou économistes, conscients de l’interdisciplinarité du sujet et des limites de la science politique, constituait un terreau fertile au développement d’une communauté de chercheurs aux horizons variés et intéressés par ces problèmes interdisciplinaires. En effet, à la fin des années 1950 et au début de la décennie 1960, une partie de ces auteurs s’étaient intéressés eux aussi à l’analyse du politique, mais avec une problématique différente.

Notes
77.

Naturellement, Downs (1964) louait aussi ces mérites puisqu’il était un des contributeurs fondamentaux de a démarche (voir le chapitre II infra).