Conclusion du Chapitre IV

Tout au long des années 1960 et au début des années 1970, les économistes élargirent le champ d’analyse de la science économique aux éléments qui constituaient le « social », et qui étaient directement lié à la notion de pauvreté. Ce développement de la science économique se manifesta par la croissance progressive du nombre de sessions consacrée à ces sujets à la conférence annuelle de l’American Economic Association 295 . De plus, les frontières disciplinaires furent d’autant plus brouillées que les théoriciens du « choix public » tels qu’Olson, Buchanan et Downs, qui avaient auparavant contribué à ouvrir les frontières de la science économique au domaine politique, s’intéressèrent eux aussi au « social ». La fin de la période marqua enfin un revirement de la conception des économistes « mainstream » face aux problèmes sociaux. L’implication de certains membres du Council of Economic Advisers en est une illustration. L’influence de la théorie économique de la discrimination dans les modèles macroéconomiques de Piore et Doeringer en est une autre.

Notes
295.

La conférence de 1968 vit une session consacrée aux décisions hors marché, avec notamment un article sur le renouvellement urbain. La conférence de 1969 vit des présentations telles que l’article de Schelling sur l’application de la théorie des jeux à la ségrégation, « Models of Segregation », la table ronde sur le crime précédemment citée, et vit se tenir une session entière consacrée aux problèmes de « choix public » avec notamment un article sur les mouvements sociaux. Celle de 1973 marquait encore plus la tendance : des sessions étaient organisées sur la ville et l’organisation de l’espace, sur la population, sur l’analyse de la politique, sur l’héroïne et sur la discrimination. À titre de comparaison, la conférence de 1963 (i.e. un an après la publication de l’article de Becker sur les comportements irrationnels) avait vu, entre autres, se tenir une session sur les problèmes méthodologiques, et une sur l’application de l’analyse économique aux problèmes militaires, qui s’était déjà développée dans les années 1950 sous l’impulsion de RAND (voir Amadae, 2003).