C – La problématisation de la médiation

La culture, telle qu’elle est envisagée par les instances nationales du F.N.51, n’est pas accessible à tous, du moins pas immédiatement. Élargir l’accès à la culture requiert l’élaboration de procédures de médiation. La médiation est une instance de représentation : elle nous donne la conscience de notre appartenance en nous représentant les autres partenaires du lien social et nous-même. Mais elle est aussi une instance faisant l’objet d’une reconnaissance et d’une adhésion de la part de tous ceux qui appartiennent au système social. Enfin, elle régule l’organisation sociale par l’établissement de normes et de principes qui structurent les relations entre les différents acteurs. Dans le cas où la médiation constituerait notamment, un ensemble d’activités et de pratiques, la communication est le lien et le facteur de cohésion entre ces différentes activités et entre les acteurs qui les mettent en œuvre.

La médiation est faite de l’image des acteurs dont ils sont porteurs, de la relation de chacun aux autres, et de la façon dont chaque acteur pense et imagine la dialectique singulier-collectif. La mise en scène de la médiation nécessite sa structuralisation symbolique. Par la représentation iconique, les acteurs du champ culturel inscrivent leur légitimité, mais également leur pouvoir dans l’espace de la sociabilité. « L’art devient une médiation, à partir du moment où, grâce à la perception d’œuvres d’art codées, inscrites dans un système culturel de significations et de représentations, le sujet est en mesure de se constituer une conscience sociale : de se structurer comme sujet» 52 .

La médiation ordonne la production, la diffusion et l’appropriation de l’information au sein de l’espace public. L’espace public est l’espace des lieux de la médiation (parole, spectacle, rite, débat, institutions politiques). Ces lieux sont des lieux de représentations puisqu’ils servent à mettre en scène les différentes formes par lesquelles on peut exprimer et percevoir l’appartenance du sujet à la société. Selon Bernard LAMIZET, il existe quatre temps de la médiation, le temps du discours, celui de la représentation, celui de l’action politique et celui de l’évènement.

La médiation esthétique inscrit la communication dans le travail des formes et dans le plaisir des expériences symboliques. La médiation politique donne à l’Etat la dimension d’un espace de pouvoirs et de représentationsL’esthétique peut être définie comme la matérialisation du symbolique et de la représentation ; dans ce sens, elle rend le symbolique perceptible. L’esthétique est ainsi le travail des formes de la culture, quelles qu’en soient les matérialisations : visuelles, tactiles, sonores, etc…

Les conceptions esthétiques du Front National sont d’autant plus intéressantes à étudier qu’elles sont inséparables de l’ensemble de ses conceptions, culturelles, sociales et politiques. Le lien entre les principes sociopolitiques, les valeurs morales et la doctrine culturelle est clairement affirmé, dès 1984, par Jean-Marie LE PEN lui-même, qui se fixe comme objectif « d’aller hardiment dans la voie de la liberté, de la responsabilité, du patriotisme et de la tradition, entendue dans sons sens le plus clair et le plus noble comme la transmission du Beau et du Vrai  53 ». Nous retenons que dans cette citation, Jean-Marie Le PEN ne fait aucune remarque sur la dimension politique de la culture, et ne donne que de vagues notions, sans réelles particularités par rapport aux autres mouvements politiques. Ainsi, nous démontrerons, tout au long de nos travaux, que le F.N. n’a pas investi progressivement le champ culturel grâce aux dispositions des lois DEFFERRE de 1982 sur la décentralisation et à des victoires électorales territoriales.

Notes
51.

Cf. Première partie de cette thèse.

52.

LAMIZET (1995), pp.166 à 175

53.

LE PEN (1984), p.13