A – La place de la médiation culturelle dans le champ des sciences de l’information et de la communication

La médiation constitue un fait institutionnel et donne une consistance historique effective, tangible, à la sociabilité. « La question de la médiation n’est pas une fin en soi. Elle conduit à celle du rapport entre l’art et la société dans l’interrogation qu’elle soulève de la capacité qu’aurait l’art de réguler la société. Elle ne peut donc aboutir que si elle parvient à traiter du politique’· . La médiation culturelle et les politiques culturelles donnent une visibilité (esthétique, monumentale, spectaculaire), une matérialité (notamment sonore) et une signification au fait politique.

Selon Bernard LAMIZET54, l’approche du fait politique en terme de communication se fonde sur quatre principes majeurs :

Le premier implique une analyse des médiations politiques à partir des formes qui les expriment, et non uniquement à partir des acteurs qui les mettent en œuvre : dans notre cas précis, il s’agit de travailler sur les notions de représentation et d’imaginaire politique du F.N.

Le second principe stipule que les S.I.C., par l’analyse du discours et l’élaboration des stratégies de communication, permettent de « définir les acteurs politiques non seulement en fonction des pouvoirs qu’ils détiennent ou des actions qu’ils mettent en œuvre, mais aussi en fonction des thèmes ou des formes de discours et de communication qui expriment leur identité et leurs relations avec les autres acteurs » 55 .

Le troisième de ces principes consiste à donner à la médiation une dimension symbolique qui se fonde à la fois sur l’implication singulière des acteurs du politique dans les faits de communication grâce auxquels ils s’expriment et acquièrent une visibilité, et sur les formes collectives de leur implication dans l’espace de sociabilité.

Enfin, l’exercice d’une citoyenneté active implique nécessairement que l’on donne du sens aux pratiques, aux actes que l’on met en œuvre, et que les autres acteurs de l’espace public reconnaissent du sens aux pratiques que l’on met en œuvre.

Les S.I.C. ont été souvent critiquées pour leur « ambiguïté » à réunir dans une même et seule discipline, deux termes souvent opposés, au sein notamment des sciences sociales : l’information et la communication. La communication étant trop souvent renvoyée à un outil de propagande et à sa fonction de rentabilité, c’est-à-dire plus concrètement au marketing et à la publicité.

Nous souhaitons également montrer, à travers cette étude, que l’articulation entre l’information et la communication permet d’expliquer comment la communication entre acteurs et sujets se fonde sur de l’information, c’est-à-dire sur le travail de la forme.

Aussi, c’est bel et bien l’articulation de nombreuses disciplines, comme la sociologie, les sciences politiques, l’histoire, l’histoire de l’art, le droit, l’esthétique, la sémiologie, qui nous a permis de formuler notre sujet d’étude : l’analyse des politiques culturelles du Front national.

La médiation culturelle met en scène les identités politiques dans leur dimension esthétique et symbolique et dans leur dimension institutionnelle et politique. Les politiques culturelles rendent le pouvoir perceptible et intelligible (sons, images, espaces-temps), mais aussi, posent la question de l’adéquation entre le système politique et les représentations qu’il donne de lui-même. L’objectif de notre recherche sera de déterminer la façon dont la représentation du pouvoir s’inscrit dans les représentations de l’identité politique et dans les représentations personnalisées des hommes qui l’incarnent.

Les politiques culturelles relèvent doublement des Sciences de l’Information et de la Communication parce qu’il s’agit de culture et de l’expression du politique. Cette étude se voudrait une façon de sortir les S.I.C. de leur isolement au sein des sciences sociales. Domaine d’étude encore peu reconnu en France, notamment sur le plan scientifique, les S.I.C., par leur interdisciplinarité, sont valorisées dans de nombreuses universités étrangères qui ont compris qu’elles apportaient avant tout une complémentarité. En effet, nos Sciences n’ont pas pour vocation de « marcher sur les plates bandes » des autres disciplines mais bel et bien de développer et d’enrichir la recherche en sciences sociales. Il ne s’agit pas d’un « fourre–tout » comme nous avons souvent eu l’occasion de l’entendre, ni encore d’une sous-discipline dont les études n’apportent rien à la recherche.

La culture apparaît comme un enjeu pour les acteurs politiques en ce qu’elle exprime l’identité et parce qu’elle est un moyen d’exercer le pouvoir. La culture fonde et exprime la dimension symbolique d’une société. Les politiques culturelles du F.N. expriment une relation complexe entre la dimension imaginaire du pouvoir, la dimension symbolique de l’identité, et la dimension réelle de l’exclusion.

L’idée de représentation peut, dans son sens politique, signifier l’image que le pouvoir se donne de lui-même. Nous sommes alors renvoyés aux relations que le pouvoir entretient avec l’imaginaire et le symbolique, mais aussi avec le spectacle. Le pouvoir se donne à voir par et dans la représentation.

La culture est un élément essentiel du politique. Facteur du développement personnel et d’ouverture aux autres, elle contribue à la cohésion et à la transformation des pratiques sociales. À partir des années 80, de nouveaux outils du développement des politiques publiques se sont développés : la culture a été un de ces éléments. Les collectivités locales ont pris conscience du caractère national, voire international de leurs actions. Les maires ont cherché à développer de nouvelles logiques de gestion des organismes culturels. Dans les années qui ont précédé les années 1980, la dimension politique de la culture et le poids des associations dominaient. Aujourd’hui ce sont davantage les rapports entre la culture et le développement social qui retiennent l'attention des acteurs politiques qui expriment des attentes qui pourraient paraître démesurées : la culture est ressentie comme un moyen de répondre à la dissolution des repères, des valeurs, du sens, elle peut contribuer à recréer un lien social et à lutter contre toutes les formes d'exclusion. En ce sens, la culture peut être considérée comme un élément destiné à structurer le territoire. La décentralisation culturelle a été un atout pour les politiques publiques, ce qui a eu d’importantes conséquences sur la médiation culturelle. En effet, de nombreux acteurs politiques se sont sentis peu à peu « débordés » par le jeu culturel. Sur le plan municipal, la médiation culturelle concerne les élus, les membres des services culturels, les artistes et les animateurs qui interagissent dans un objectif commun, proposer un « catalogue d’actions culturelles »56 qui satisfera le plus grand nombre.

Notes
54.

LAMIZET (1995), pp.166 à 175

55.

Ibid

56.

FRIEDBERG et URFALINO (1984)