1 – Cadre institutionnel international

L'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture (UNESCO), institue après la seconde guerre mondiale dans le cadre de l’O.N.U., a pour objectifs de « contribuer au maintien de la paix et de la solidarité en resserrant, par l'éducation, la science et la culture, la collaboration entre nations, afin d'assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, que la Charte des Nations Unies reconnaît à tous les peuples ».67

Le préambule de l’Acte constitutif de l’UNESCO 68 affirme que « la dignité de l’homme exig[e] la diffusion de la culture et de l’éducation de tous en vue de la justice, de la liberté et de la paix, il y a là, pour toutes les nations, des devoirs sacrés à remplir dans un esprit de mutuelle assistance ». La culture se voit reconnaître ici une finalité politique, notamment dans une perspective d’accompagnement aux nouvelles technologies comme le montre l’un des principaux objectifs de l’UNESCO est de « prêter assistance aux Etats membres pour actualiser leurs politiques culturelles de manière à répondre aux nouveaux besoins liés notamment à la mondialisation et à l’essor de nouvelles technologies ».

Cette mission est en contradiction avec le F.N. au sens où elle traduit une tension entre la logique nationale de la conception frontiste de la culture et la logique internationale des échanges et de la diffusion des formes et des pratiques de la culture. En effet, comment concevoir le dialogue interculturel, si le F.N. exprime une approche fermée de la culture qui se traduit, par la volonté de promouvoir uniquement la culture nationale sur le territoire, et par le rejet de tout échange interculturel. Il s’agit-là selon nous d’une dimension fantasmatique de la culture au sens où le F.N. s’engage pour la diffusion et la promotion de la culture nationale tant sur le plan national, qu’international, mais refuse toute échange avec les autres cultures.

L’Article 27 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme 69 a établi le principe suivant : « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent ». Toute personne a droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle, au travers de sa langue maternelle par exemple. Enfin chacun doit pouvoir exercer des pratiques culturelles, selon son propre choix, dans les limites qu’impose le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Nous souhaitons, dès à présent, relever la tension qui existe entre ces textes et les principes politiques du F.N. qui tendent à la fois à imposer des conceptions et pratiques culturelles nationales, mais aussi et surtout à pratiquer une forme de censure en refusant le caractère universel de la culture, sous couvert de la préservation de l’identité nationale. La liberté d’accès à la culture sera fortement remise en cause par le Front national aux travers de ses politiques culturelles municipales, comme en témoigneront les nombreuses suppressions de subventions et fermeture de lieux culturels70.

Par ailleurs, selon la Déclaration de la Conférence mondiale sur les politiques culturelles 71, « c’est par [la culture] que l’homme s’exprime, prend conscience de lui-même, se reconnaît comme un projet inachevé, remet en question ses propres réalisations, recherche inlassablement de nouvelles significations et crée des œuvres qui le transcendent ». Ce texte évoque le caractère fondamental de la culture. Dans le programme culturel du Front national, ce caractère apparaît au regard de phrases emblématiques, symboles de la pratique de la rhétorique par ses dirigeants: « Le génie d'un peuple rayonne par sa culture ». Comme nous l’avons souligné précédemment, la culture semble se limiter, pour le F.N., à l’expression de l’identité nationale et aux respects de ses valeurs : « [l]es subventions publiques seront accordées aux créations artistiques qui respectent notre identité nationale comme les valeurs de notre civilisation » 72 .

Notes
67.

Acte Constitutif de l’UNESCO, signé à Londres le 16 novembre 1945 par trente-sept pays, et entré en vigueur avec la vingtième ratification le 4 novembre 1946.

68.

United Educational Scientific and Cultural Organization, Paris, 1946

69.

ONU, 1948

70.

Les politiques culturelles municipales du F.N. seront analysées dans la troisième partie de cette thèse.

71.

MONDIACULT, Mexico, 27 juillet 1982. Cette conférence a été organisée par l’UNESCO.

72.

FRONT NATIONAL (1993), 1ère proposition, « Restaurer la liberté d’expression et de création »