2 – Cadre institutionnel national

Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 énonce des principes politiques de nature économique et sociale et des principes régissant l’organisation des relations internationales, qui s’inspirent du programme défini par le Conseil National de la Résistance (C.N.R.). Il trace pour la première fois les grandes lignes des politiques culturelles françaises en affirmant et en garantissant « l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».

Mais cette volonté aura peu de portée en l’absence d’une volonté explicite du Parlement. Ainsi la naissance des politiques culturelles françaises a pris une véritable ampleur lors de la création d’un Ministère des Affaires culturelles par la Ve République.

Le Décret n° 59-889 du 26 juillet 1959 73 définit les attributions du ministre chargé des affaires culturelles qui a pour mission de « permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d’inventer et de créer, d’exprimer librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur choix, de préserver le patrimoine culturel national, régional ou des divers groupes sociaux pour le profit commun de la collectivité tout entière ; de favoriser la création des œuvres de l’art français dans le libre dialogue des cultures du monde » 74 . Démocratisation, décentralisation, préservation et promotion de l’exception française, soutien à la création, universalisme, telles sont les orientations et les valeurs défendues par ce texte.

La mission visant à «favoriser la création des œuvres de l’art français » pourrait se rapprocher du discours du F.N. sur la culture si elle ne précisait pas la nécessité d’un « libre dialogue des cultures du monde ». Or l’utilisation même du terme « cosmopolitisme » dans la majorité des discours du parti traduit le refus de tout dialogue.

Après la création du Ministère des Affaires culturelles, André MALRAUX eut l’idée d’inscrire dans le plan quinquennal75 de modernisation économique et social que : « c’est dans le plan de modernisation nationale, et dans ce plan seulement, qu’on peut concevoir un développement véritable et durable des affaires culturelles », déclare-t-il à l’Assemblée nationale en 1959.

Lois DEFFERRE n° 82-213 du 2 mars 1982

L’expression « décentralisation culturelle » n’a pas toujours eu le même sens. Jusqu'au début des années 1980, ils ont désigné un mouvement de développement des activités culturelles hors Paris, impulsé bien moins par les collectivités locales que par l'Etat, même si celui-ci invitait ces dernières à l'accompagner au cas par cas dans ce mouvement. Le fer de lance en a d'abord été la décentralisation théâtrale, sur laquelle MALRAUX s'est ensuite appuyé pour créer les Maisons de la Culture.

À partir des lois DEFFERRE, la « décentralisation culturelle » prend un nouveau sens : celui du transfert aux collectivités locales de compétences exercées par l'Etat, et cela implique la multiplication des lieux régionaux et locaux de pouvoir, et, avec elle, la transformation des logiques des politiques culturelles.

Décret n° 82-394 relatif à l’organisation du ministère de la Culture, 10 mai 1982

Les années Lang ont permis d’étendre le champ d’action de la politique culturelle : la priorité est en effet accordée à la création, ce qui favorise le corporatisme et la sectorisation, éventuellement nuisibles à la qualité de la production (les artistes sont parfois accusés de se soucier davantage des attentes de leur ministère que de leurs propres inspirations) et à l’intérêt général.

Notes
73.

Cf. Annexe n°6 présentant le Décret n°59-889, du 24 juillet 1959, portant sur l’organisation du ministère chargé des Affaires culturelles.

74.

Article 1er

75.

Le Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe siècle, [(2003) pp.946 à 950] donne une définition précise de la planification et plus particulièrement du plan quinquennal : «document de planification économique gouvernemental fixant des objectifs de production , sur une période de cinq ans. Pour les États utilisant des plans quinquennaux, on parle d’ économie planifiée , c’est-à-dire de rationalisation des projets économiques d'un pays censé répondre à l'idéal d'une parfaite coordination permettant la satisfaction de tous. […] La planification économique a pratiquement disparu de la pensée politique à la fin du XXe siècle. […] Les organes politiques de la planification, qui se trouvaient il y a encore peu de temps au sommet de la hiérarchie administrative en France (ex- Commissariat général du Plan ) ou en URSS , sont revenus au rang de simples structures d'études prospectives.»