3 – La légitimité de l’intervention de l’Etat et des autres acteurs politiques dans la vie culturelle

L’histoire des politiques culturelles françaises depuis la création du Ministère des Affaires culturelles a donné lieu à de nombreuses critiques et à peu d’évaluations.

Dès lors que l’on aborde la question de la légitimité de l’intervention de l’Etat en matière culturelle, tous les auteurs s’attachent à donner des éléments de réponse en précisant les différents rôles de l’Etat. « La commission d’étude de la politique culturelle française » réunie en 1996 à l’initiative du Ministre de la Culture de l’époque –Philippe DOUSTE-BLAZY- s’est attachée à présenter ces différentes missions. En premier lieu, l’Etat doit avoir un rôle de régulateur par rapport à l’économie de la culture : il a pour mission de contribuer à l’évaluation de la vie culturelle. À ce titre, Pascal ORY estime que les facteurs qui influent sur la vie culturelle sont des facteurs économiques, techniques et politiques. Par ailleurs, l’Etat est responsable de la formation aux métiers culturels et artistiques, ce qui lui confère une obligation de mobilisation des innovations et de la recherche. L’Etat, enfin, est le garant du pluralisme et de la justice sociale en matière de culture.

Aujourd’hui deux modèles de politiques culturelles font débat. Le premier limite l’action de l’Etat à la conservation du patrimoine et aux enseignements artistiques (modèle symbolisé par l’intervention de l’Etat sous la IIIe République, et actuellement par les écrits de Marc FUMAROLI et Michel SCHNEIDER). Le second modèle s’illustre par une politique interventionniste qui élargit notamment le champ d’action de l’Etat au domaine de la création.

Dans le second chapitre de l’ouvrage Pour une refondation de la politique culturelle 81 , intitulé « Pourquoi une politique culturelle », Jacques RIGAUD estime que la tradition historique et démocratique de la France donne une légitimité à la politique culturelle. Pourtant chaque politique développe son opinion quant à cette légitimité. Pierre MOULINIER dans Les politiques publiques de la culture en France, faisait déjà ce constat : « [c]ertains tenants du libéralisme […] arguent que l’Etat n’a pas à intervenir et ne peut que soutenir un art officiel » 82 . Jacques RIGAUD a une vision démocratique des politiques culturelles, proche de celle d’André MALRAUX qui revendiquait l’accès au plus grand nombre.

« Qu’il s’agisse du droit de tout être à l’expression de son identité et à la reconnaissance de sa dignité, de l’adhésion à un lien social incessamment renouvelé dans une communauté plurielle, de la participation sous toutes les formes au patrimoine des valeurs de l’art et de l’esprit qui s’est enraciné dans le corps même de ce pays et s’enrichit jour après jour par la création en tous domaines. La culture apparaît décidément dans son heureuse et constante diversité, au cœur d’un projet de société. » 83

Ainsi, il s’agit-là de deux visions différentes des politiques culturelles françaises mises en place depuis la création du Ministère des Affaires culturelles : l’une économique, et l’autre sociale.

« L’art véhicule des valeurs spirituelles et morales comme des normes esthétiques : un peuple qui se les verrait imposer par des lobbies ou des forces étrangères perdrait jusqu’au droit à l’existence. Le rôle du Politique sera donc de faire respecter et de conforter l’identité culturelle de la Nation» 84 . Le F.N. tend à rejeter toute idée de création et de diversité culturelle. Il convient, dès lors, de mettre en évidence une contradiction flagrante : le F.N. refuse l’intervention globale de l’Etat dans le champ culturel tout en prônant la mise en oeuvre d’actions culturelles conformes à l’idéologie du parti. Or comme le souligne justement Jacques RIGAUD, « [l]e fondement de l’action publique en faveur de la culture est donc politique, au sens le plus élevé du terme. Le but de la politique culturelle est d’accomplir la République, c’est-à-dire de donner à chacun, par un accès réellement égal aux œuvres de l’esprit, la possibilité de se former une conscience citoyenne dans sa plénitude 85 ».

Le Front national, quant à lui, refuse une intervention globale de l’Etat en matière culturelle, il préfère confier la plupart des secteurs culturels à un système de mécénat privé sur lequel l’Etat pourra exercer une influence certaine mais également dont il pourrait se détacher en cas de conflits.

« La création féconde peut s’analyser comme un dialogue entre mémoire et imagination : il est clair que si la puissance publique peut agir efficacement dans le premier domaine, le second relève essentiellement de l’initiative privée » 86 . En d’autres termes, le rôle de l’Etat, selon le Front national, se résume à la préservation du patrimoine et des traditions de l’identité culturelle française.

Notes
81.

RIGAUD (1996), pp.48-49

82.

MOULINIER (1999), p.8

83.

RIGAUD (1996), p.50

84.

Site Internet du FRONT NATIONAL (mai 1996)

85.

RIGAUD (1996), p.50

86.

LE PEN (1982), p.170