2 – L’approche libérale des années 1970

Sous la présidence de Georges POMPIDOU (1969-1974), grand amateur d’art contemporain, plusieurs projets ambitieux, comme le CNAC de Beaubourg, furent mis en oeuvre. Il donne ainsi une place nouvelle à l’art contemporain dans la commande publique (on lui doit notamment la décoration « postmoderne » de l’Élysée), et prend le risque d’organiser l’exposition « 72/72, 12 ans d’art contemporain »127.

Jacques Duhamel, qui fut Ministre de janvier 1971 à avril 1973, engagea une collaboration avec le Service d’Etudes et de Recherches (S.E.R.) dirigé par Michel DE CERTEAU dans une perspective de rationalisation de l’action de l’Etat. Le S.E.R. réalisa de nombreuses enquêtes et organisa, notamment, le colloque Prospective du Développement Culturel en 1972, d’où est issu le rapport « La Culture au pluriel ». Ce rapport propose une définition très large du mot « culture » qui ne serait se réduire qu’aux seuls « chefs-d’oeuvre de l’humanité », comme le proclamait le décret de 1959. De plus, il s’attache à développer une médiation pédagogique entre les oeuvres et le peuple en affirmant que toutes les voies d’accès à la culture sont également légitimes.

L’action de l’Etat durant les années soixante-dix se caractérise par une volonté constante à poser les bases d’une société libérale voulue par Valéry GISCARD D’ESTAING128, dans la perspective d’une cohésion nationale et non transcendante, comme y prétendait André MALRAUX. Malgré une forte instabilité ministérielle (sept ministres se sont succédé sous la présidence de GISCARD129), le Ministère acquiert sa forme quasi définitive, assume efficacement ses missions de conservation qui laisse aux acteurs locaux un vaste espace ouvert à l’innovation mais aussi à la contestation130 : la démocratisation culturelle fut ainsi délaissée au profit d’une politique libérale.

Notes
127.

« Le 16 mai 1972 s'ouvre à Paris, au Grand Palais, la grande exposition d'art contemporain français « 72/72 » (72 artistes pour 1972), « vitrine » du pays, voulue expressément par le Président de la République Georges POMPIDOU. Après bien des hésitations, bien des altercations par voie de presse quant à la liste des artistes invités, c'est la première fois que le pouvoir s'intéresse d'aussi près aux arts plastiques les plus récents dans un cadre officiel.

Mais dans l'après-midi le vernissage dérape : les activistes du F.A.P. (Front des Artistes Plasticiens) s'installent sur les marches, dans le hall, et scandent « l'Expo 72 : des artistes au service du capital ». Les visiteurs sont bousculés, les forces de l'ordre massées à proximité interviennent et l’Expo 72 ferme ses portes.

Certains des artistes exposés réagissent alors immédiatement, en particulier le groupe dit des Malassis qui sort sa toile monumentale Le Grand méchoui au nez et à la barbe de la police et des photographes. D’autres retourneront leurs toiles ou affubleront leur présentation de fromages odorants en guise d’opposition à l’intervention de la police.

Pourtant, après huit jours de fermeture et d'assemblées générales, l'expo 72 rouvre finalement ses portes et accueillera environ 70 000 visiteurs jusqu'au mois de septembre, permettant au public de découvrir ainsi quelques grands noms comme MORELLET, VIALLAT, BOLTANSKI, REYNAUD, BEN, « nouveaux réalistes », « figuration narrative », etc.

Entachée par ces débuts houleux, prise dans un climat idéologique et politique hérité de mai 68, l’Expo 72 reste ainsi dans les mémoires comme une première tentative, en partie avortée, pour l’institution de s’ouvrir à la création. » (Source : Site Internet de l’I.N.A.)

Pour plus d’informations, On s'est battu pour l'art , l'Expo 72 au Grand Palais, documentaire d'Antoine LACHAND et Anne FRANCINI.

128.

Président de la République Française de 1974 à 1981.

129.

A savoir : Maurice DRUON (5 avril 1973 au 29 février 1974), Alain PEYREFITTE (Quelques mois en 1974), Michel GUY (8 juin 1974 au 26 août 1976), Françoise GIROUD (27 août 1976 au 29 mars 1977), Michel d'ORNANO (30 mars 1977 au 4 avril 1978), Jean-Philippe LECAT (5 avril 1978 au 3 mars 1981), et Michel d'ORNANO (4 mars 1981 au 21 mai 1981).

130.

Ce que fera le Parti socialiste lors de sa campagne pour les présidentielles de 1981.