3 – « Les années LANG »

L’élection de François MITTERRAND, le 10 mai 1981, et la nomination de Jack LANG aux fonctions de Ministre de la Culture, marque une nette évolution des politiques culturelles françaises. La première mesure représentative est la prise en compte de l’essor de certaines formes artistiques considérées comme mineures (notamment la bande dessinée, les musiques électroniques, et l’art contemporain). La seconde mesure souligne la responsabilisation du secteur public autour des contraintes de la logique du marché. De plus, les différents gouvernements en place ont reconnu la dimension culturelle des enjeux technologiques et économiques. Ainsi, la politique menée par Jack LANG traduit une volonté de bénéficier de la dynamique des industries dites de loisirs.

En 1988, le Conseil de l’Europe a présenté un bilan de l’étude qu’il menait sur les politiques culturelles françaises131. Celle-ci a permis de dégager de grands problèmes comme celui de l’intervention de l’Etat dans le domaine de la création artistique, la question de l’accessibilité aux lieux culturels, et enfin la nécessité d’une décentralisation dans la gestion des affaires culturelles. Les experts ont constaté que, dès l’origine, les politiques culturelles ne s’appliquaient qu’aux disciplines artistiques traditionnelles (musique, arts plastiques, théâtre, etc.), et qu’après 1982, elles ont été étendues à des domaines qui avaient été exclus jusqu’alors, car relevant de la culture de masse, longtemps méprisée. La massification a influencé les débats sur la qualité durant le courant des années LANG. La culture est –sous prétexte de démocratisation- de plus en plus évaluée sur la base de critères commerciaux. Un livre, une œuvre, un journal, un film sont de moins en moins jugés selon des critères esthétiques mais plutôt selon le nombre de tirages, le nombre d’entrées, le taux d’audience. Ajoutons à cela le rôle de la critique et son influence sur les choix du public. Malgré toutes ces critiques, la légitimation de nouveaux secteurs s’est effectuée grâce à la reconnaissance du rôle positif des industries culturelles.

Trois principaux phénomènes sont ainsi à l’origine de l’évolution des conceptions des politiques culturelles : la mondialisation structurée des échanges marchands ; l’engagement progressif à de nouvelles idéologies (religieuses, nationalistes) ; la conception élitiste de l’art qui le sépare des politiques culturelles proprement dites, renvoyées à des fonctions souvent exclusivement sociales.

Durant les années 90, l’échec de la démocratisation et la sclérose d’un certain nombre d’institutions culturelles, ont suscité deux débats dans le champ de la médiation culturelle : la légitimité de l’action culturelle publique et le soutien à la création contemporaine. Ainsi, la troisième enquête sur les pratiques culturelles des français publiées par le Ministère de la Culture, présenta un chapitre intitulé «La démocratisation en échec», dans lequel on pouvait lire que «la composition sociale des publics […] est assez rigoureusement identique à celle de 1973. Même si certaines inflexions sont perceptibles ici ou là, non seulement les hiérarchies au niveau des taux de pratique sont toujours les mêmes, mais les écarts entre catégories de populations n’ont pas diminué et, dans certains cas, ont même eu tendance à s’accroître» 132.

Après quelques années de flottement, le ministère de la Culture s’est interrogé sur la nécessité de se relégitimer en commandant un rapport sur la politique culturelle publique. La Commission d’étude de la politique culturelle de l’Etat, présidée par Jacques RIGAUD, présenta, en 1996, un rapport intitulé Pour une refondation de la politique culturelle, dans lequel furent développées des propositions d’organisation de l’action gouvernementale, du Ministère de la Culture et des relations entre l’Etat et les collectivités locales.

Dans ce contexte, nous pensons qu’il est important de rappeler les différentes fonctions de chacune des différentes institutions culturelles publiques afin de pouvoir comprendre le refus de l’intervention de l’Etat dans le champ culturel tel qu’il est proposé par Front national. Par ailleurs, il convient de préciser que le Front national a eu, à ce jour, un rôle politique au niveau local. En effet, depuis 1982, les seuls mandats électoraux obtenus par le parti concernent des villes et des sièges de conseillers généraux et régionaux.

Notes
131.

Le groupe d’experts chargé de l’examen était composé de : Frédéric DUBOIS, Président (Suisse) ; Robert WANGERMEE, Rapporteur (Belgique), John MYERSCOUGH (Royaume-Uni), et Carl-Johan KLEBERG (Suède). Il s’agit-là d’une initiative qui regroupait l’ensemble des pays européens.