3 – Les villes

Au début des années soixante, le Ministère des Affaires culturelles s’est donné comme principale mission de contribuer à rendre l'art accessible au plus grand nombre. Dans cette perspective, de nouveaux établissements furent créés, notamment en province et en banlieue, sous le nom de maisons de la culture. Ces établissements, financés en principe à parts égales par l'Etat et par chacune des villes intéressées, sont gérés par des associations dans lesquelles l'Etat et les villes sont représentés, mais minoritaires, et dirigées sur le plan artistique par un animateur.

Ces lieux constituèrent les premiers pas de la décentralisation culturelle décidée par l’Etat, en collaboration avec les collectivités territoriales. Cette politique est mise en oeuvre lentement et difficilement par l’Etat qui, sous MALRAUX, avait peu pris en considération les politiques culturelles menées à l’échelon local. Une autre révolution fut déclanchée par Jacques DUHAMEL, Ministre de 1971 à 1973, lors d’une allocution à l’Assemblée en 1973 : «La politique culturelle ne peut être le fait de l’Etat seul ; un rôle capital revient aux collectivités locales». Cette reconnaissance aboutit à la signature de «chartes culturelles» pluriannuelles entre l’Etat et les villes – majoritairement communistes ou socialistes – qui conduisent de véritables expérimentations culturelles dans les années 1970. L’Etat s’engage ainsi à financer à parité avec les villes les projets qui ont son aval, tandis que la ville se charge des aspects plus logistiques - une «division du travail» promise à un grand avenir. D’ailleurs, l’Etat accompagne le mouvement plus qu’il ne l’impulse : la campagne des élections municipales de 1977 voit l’apparition des thèmes culturels dans les programmes politiques locaux (le PS, en particulier, s’approprie la politique culturelle comme arme électorale, s’inspirant en cela du PCF), et de nombreuses «délégations culturelles» sont crées dans les mairies après les élections. Elles disposent de 7 % en moyenne du budget municipal, et jusqu’à 20% à Bordeaux (sous l’impulsion de Jacques CHABAN-DELMAS) ou Avignon.

Ainsi à la fin des années soixante-dix, les communes sont devenues les premiers bailleurs de fonds publics de la culture en France. Dans son ouvrage intitulé La décentralisation culturelle137, René RIZZARDO précise que les communes et notamment les communes urbaines, sont « les cellules de base de la vie culturelle », notamment parce qu’elles sont dotées de toutes les compétences, mais aussi et surtout parce qu’elles sont propriétaires de la majeure partie des constructions qui accueillent les institutions culturelles.

Les villes ont toujours été le lieu de rassemblement d’activités artistiques et culturelles à partir desquelles leur propre population s’est forgée une identité. Elles se distinguent des autres institutions du fait du poids très lourd de la gestion des équipements culturels.

Mais avant même de nous projeter dans les nouvelles responsabilités qui pourraient être confiées à des élus frontistes138, il est nécessaire de rappeler sur quels modes de gestion fonctionnent les institutions publiques locales et territoriales. Ce point nous permettra en effet de préciser quelles sont, les libertés de décision et de fonctionnement des collectivités ainsi que les outils et les équipements qui en dépendent.

Notes
137.

RIZZARDO (1990)

138.

Notre troisième partie présentera et analysera les politiques culturelles des municipalités frontistes.