4 – 3 – Les propositions du Front national

Les propositions du Front national, quant à la gestion et aux processus de décision des institutions culturelles, ont été développées dans deux textes : le premier est l’ouvrage de Jean-Marie LE PEN paru en 1982, Pour la France, et le second est le programme de 1993, intitulé, 300 mesures pour la renaissance de la France.

Sous forme de plaidoyer, fustigeant les actions mises en œuvre par les adversaires du F.N., l’ouvrage de Jean-Marie LE PEN ne constitue en rien un programme de parti, contrairement à ce qui est annoncé en quatrième de couverture : « On entend souvent dire par ses adversaires : « Le Front national n’a pas de programme. […] « Pour la France » leur inflige un démenti cinglant ». Cette critique dénoncée par le leader du F.N. est pourtant démontrable à la lecture du chapitre consacré à la culture, intitulé « La réforme intellectuelle et morale ». Jean-Marie LE PEN relève surtout les missions de l’Etat en matière de politiques culturelles : « les moyens de la politique culturelle doivent être réorientés vers les actions de conservation : nos archives, nos collections artistiques et bibliophiliques, nos monuments doivent être entretenus, mis en valeur, offerts à l’admiration de tous dans les meilleures conditions » 139 . Or, aucune mesure spécifique n’est proposée pour répondre à ces missions. Jean-Marie LE PEN exprime ici très nettement sa préférence pour le Patrimoine, mais cela ne constitue en rien un programme politique. Autre exemple, lorsque Jean-Marie LE PEN précise, dans son ouvrage de 1982, que « tolérer les choix d’autrui ce n’est pas forcément les approuver, encore moins les encourager et les financer. Ce n’est pas non plus renoncer à porter des jugements de valeurs car tout ne se vaut pas  […]» 140 , cela témoigne uniquement de sa détermination à promouvoir des œuvres fidèles à son héritage politique. Il faudra attendre le programme de 1993, pour que le Front national apporte de nombreux éclaircissements sur ces questions, sans toutefois proposer de mesures pratiques. De plus, l’essentiel des revendications frontistes porte sur la valorisation du patrimoine national et des beaux-arts. À ce titre, le parti souhaite développer l’encouragement des collectivités publiques à la mise en œuvre de « spectacles, fêtes et reconstitutions historiques, et bien entendu aussi l’ouverture de conservatoires, de musées et de circuits touristiques. » 141 Cette revendication laisse sous-entendre le fait que les différentes institutions culturelles se seraient défaites de leur mission de valorisation et de défense du patrimoine. Par ailleurs, le F.N. souhaite que l’Etat contrôle les institutions publiques dans leurs choix de financements des organismes culturels : « La composition des commissions culturelles, responsables de l’attribution des financements publics, sera revue de telle façon que les “autorités culturelles” et les groupes de pression les plus divers ne puissent plus imposer leurs lubies au public. Il sera dressé un bilan précis de l’activité des multiples établissements et fonds d’intervention en matière culturelle (C.N.A.P. 142 , C.N.A.L. 143 , F.N.A.C. 144 , F.R.A.C. 145 , notamment). Les différents circuits de financement public seront simplifiés et les établissements ou fonds inutiles supprimés. » 146 En d’autres termes, le Front national souhaite contrôler l’attribution des fonds publics accordés aux organismes culturels et le choix des programmations afin de limiter l’intervention de « groupes de pression » dans le champ des politiques culturelles. Par ailleurs, le F.N. critique les circuits de financements publics, mais ne propose aucun changement précis. Cette citation témoigne de l’absence de réflexion pratique du F.N. La partie « Liberté de la culture » issue du programme de 1993 est symptomatique de l’inaccession au pouvoir qui caractérise le parti. En tant que parti d’opposition, le F.N. émet de multiples critiques à l’encontre des politiques mises en œuvre par le parti de pouvoir mais elles sont, soit rarement accompagnées de mesures définies, soit de simples « copies » d’actions déjà existantes, comme l’illustre parfaitement le projet d’établissement par les collectivités locales « de chèques-lecture pour favoriser l’achat de livres au profit des plus jeunes » 147 ne peut être considérée comme une nouvelle mesure spécifique au F.N., dans le mesure où depuis 1988, la société CHEQUE LIRE, Filiale du groupe « chèque déjeuner », commercialise des Chèques lire 148, qui sont essentiellement proposés aux Comités d’Entreprise et aux Collectivités territoriales.

Nous n’avons relevé qu’un seul projet précis, dans sa définition et dans son application, de modes de gestion d’organismes culturels. « [L]e Front national propose d’élargir le régime des fondations et de faciliter le développement du mécénat d’entreprise par une amélioration des possibilités de dégrèvement fiscal en autorisant l’étalement fiscal sur plusieurs années d’une action de mécénat et en élargissant les possibilités de régler par une dation en paiement les droits de succession » 149 . Ce projet sera repris dans la onzième proposition du programme de 1993, intitulée « Encourager le mécénat ».

Notes
139.

LE PEN (1982), p.170

140.

LE PEN (1982), p.168

141.

FRONT NATIONAL (1993), 3e proposition, « Valoriser le Patrimoine national et les beaux-arts »

142.

Le Centre national des arts plastiques (C.N.A.P.) a pour mission de soutenir et de promouvoir la création artistique dans ses différentes formes d'expression plastique, y compris la photographie, les arts graphiques, le design et les métiers d'art. Il concourt à l'enrichissement et à la valorisation du patrimoine artistique contemporain de l'Etat par des acquisitions et commandes d'oeuvres d'art plastique et la diffusion de celles-ci. Il contribue, pour la création contemporaine, à la valorisation et à la transmission des techniques anciennes des métiers d'art et à l'application des technologies et matériaux nouveaux. (Source : Site Internet du C.N.A.P.)

143.

Le Comité national d'action laïque (C.N.A.L.) est un organisme français fondé en 1953 qui a pour but la défense et la promotion de l'Ecole publique et de la laïcité.

Nous estimons que le C.N.A.L. n’a pas à figurer dans la liste d’organismes d’Etat, citée par le F.N., puisqu’il est un regroupement politique d’associations et de syndicats. En effet, il est composé de cinq organisations : les Délégués départementaux de l'Éducation nationale (D.D.E.N.), la Fédération des conseils de parents d'élèves (F.C.P.E.), la Ligue de l'enseignement, le Syndicat des enseignants, et la Fédération U.N.S.A. éducation.

144.

Le Fonds national d'art contemporain (F.N.A.C.), est une institution culturelle publique chargée d'administrer une collection d'art contemporain appartenant à l'État français. Cette collection regroupe plus de 70 000 pièces d'arts plastiques, de photographies, d'art décoratif ou de design, conservées depuis 1991 dans un bâtiment de 4 500 m² à Puteaux, sous l'esplanade de La Défense. Il s'agit donc d'un dépôt et non d'un lieu d'exposition, les œuvres étant prêtées en fonction des demandes des musées, administrations ou autres évènements.

Depuis 1981, il dépend de la Délégation aux arts plastiques (D.A.P.), elle-même intégrée au Ministère de la Culture. Son financement est lié au Centre national des arts plastiques (C.N.A.P.) dont il devient une composante en 2003.

145.

Cf. Note de bas de page n°134

146.

FRONT NATIONAL (1993), 1ère proposition, « Restaurer la liberté d’expression et de création. »

147.

FRONT NATIONAL (1993), 8e proposition, « Encourager la lecture et le livre ».

148.

L’objectif du Chèque lire est la promotion du livre et de la lecture par le biais de la librairie traditionnelle.

149.

LE PEN (1982), p.177