D – Les critiques émises sur les politiques culturelles publiques par les acteurs de la médiation culturelle

Selon BALEYNAUD dans  « La culture, l’oubliée de la décentralisation ?»161, la culture serait le mauvais élève de la décentralisation. Ainsi, malgré les lois de 1982-83, nous constatons peu de transferts de compétences, excepté en ce qui concerne les bibliothèques centrales de prêts en départements, archives départementales. Par ailleurs, des auteurs (FUMAROLI, SCHNEIDER, FINKIELKRAUT, DOMENACH) dénoncent les conventions de développement culturel qui permettraient à l’Etat de toujours exercer son influence. Ils observent le primat de la déconcentration sur la décentralisation162, ainsi que le primat de la décentralisation artistique.

Pierre MOULINIER dans Les politiques publiques de la culture en France 163 , souligne que l’action ministérielle vise, à l’accès à tous (i.e. Décret de 1982 et 1986), à la consommation des biens culturels, mais aussi à développer des pratiques visant la qualité.

Jacques Rigaud, dans L’exception culturelle. Culture et pouvoir sous la Ve République 164 , estime que la principale lacune des politiques culturelles de la France, réside dans une forme d’oubli du public. S’il conteste les analyses sociologiques sur les échecs de la démocratisation de la culture, il estime pourtant que le public est le grand oublié des politiques culturelles récentes, et notamment de l’époque où Jack LANG était Ministre de la Culture : « [il] en est résulté la conviction, désastreuse à mes yeux, que les industries culturelles et les circuits d'équipement et de consommation qu'elles engendraient, étaient destinés à devenir la voie royale du développement culturel » 165 , donnant à l’audiovisuel le rôle de ferment du partage social 166. L’auteur estime que cette erreur serait responsable, selon lui, de l’échec de l’action culturelle. Autre lacune : l’administration même du ministère. Le ministère de la Culture serait victime de son succès, et passerait son temps à gérer, à répartir des subventions, alors qu’il était né « pour lancer des idées ». Celui-ci devrait « se concentrer sur des tâches de conception, d'orientation générale et aussi d'inspection ». Certains des hauts responsables ne sont pas loin, selon l’auteur, d’estimer que le ministère est dans un état « d'inconsistance de la pensée en matière de politique culturelle ». Il en résulte que ce sont ces critiques que le Front national scande à travers son « discours identitaire » : « l’industrialisation à outrance de l’art et la généralisation du cosmopolitisme pour faire du citoyen un homme aux semelles de vent, un vagabond » 167 , « la culture élitiste », la non concertation de la population, le « Yalta culturel », etc …

Ces critiques émises par Jean-marie LE PEN se sont également appuyées sur le programme culturel du RPR168, rédigé en 1993 par Jacques TOUBON, dans lequel il faisait part de son analyse des politiques culturelles françaises. Il estimait que «plus les crédits, plus les interventions de l'Etat et des collectivités locales augmentent, plus se réduit le public de l'art et de la culture (...). La politique culturelle doit donc, s'appuyant sur les acquis de la dernière décennie, mettre désormais l'accent principal, non plus sur le développement de la production et de la création, mais sur l'élargissement du public». Ainsi selon le RPR, l’Etat et les collectivités territoriales se seraient essentiellement concentrés sur les professionnels de la culture et non sur le public. À l’approche des législatives de 1993, cette réflexion fait figure de critique à l’égard des politiques culturelles mises en oeuvre par les gouvernements précédents et notamment par le parti socialiste. La principale critique à l’égard des politiques culturelles des socialistes durant les années 80 et 90 est qu’ils ont favorisé le clientélisme dans le but d’être appréciés par les acteurs culturels au détriment du public qui auraient été largement oublié. Cette critique est également émise par le Front national pour qui la culture de gauche serait celle des « copains », d’un « parisianisme intellectuel ».

Notes
161.

BALEYNAUD (1991), pp.149-195

162.

Ce domaine a été confié aux services extérieurs de l’Etat et non aux collectivités territoriales.

163.

MOULINIER (1999)

164.

RIGAUD (1995)

165.

Ibid, p.192

166.

Cette critique sera traitée et exposée dans le cadre de notre troisième partie.

167.

LE PEN (1982), p.166

168.

Rassemblement pour la République (1993)