A – La création du parti

Pour connaître et comprendre l’idéologie du Front national, il est important de connaître d’abord l’histoire du parti. Groupusculaire de sa création aux élections de 1983, le Front national est, devenu un « parti incontournable » du paysage politique français. La singularité de ce parti est d'une part son extrême personnalisation autour de Jean-Marie LE PEN, et d'autre part l'existence en son sein de courants autonomes en lutte d'influence.

L’identité du F.N. se fonde sur le fait qu’il ne se pense pas comme un parti de pouvoir ou de gouvernement, mais comme un parti exprimant des logiques fantasmatiques d’identité.

Les statuts du parti ont été enregistrés le 5 octobre 1972. Ce mouvement politique répond à un choix idéologique et institutionnel de Jean-Marie LE PEN : « bâtir un pôle national populiste qui, rompant avec la tradition extra-parlementaire de l'extrême droite française, tire parti de la désaffection de l'électorat pour les repères traditionnels droite-gauche, pour promouvoir une alternative globale au système politique » 174 .

À partir de 1973, au sein de l’extrême droite coexistent deux cultures idéologiquement différentes. La première, celle du mouvement Ordre Nouveau, est composée de nationalistes révolutionnaires qui se rattachent plus directement à l'héritage révolutionnaire du fascisme italien et du national-socialisme allemand. La deuxième tendance est « ultra-conservatrice, souvent d'obédience catholique, néovichyste, ligueuse et populiste » 175 . Elle est composée de nationalistes, en particulier issus du poujadisme, et du mouvement pour l'Algérie Française. Ils sont souvent liés à la droite parlementaire, et sont favorables à une réforme autoritaire de l'Etat. Ordre Nouveau veut parvenir à une synthèse de ces deux courants, ce qui correspond à un calque de la stratégie du M.S.I. (Movimento sociale italiano)176. Mais deux courants restent à l'écart : le G.R.E.C.E. (Groupement de Recherches et d’Etudes pour les Civilisations Européennes) qui est le noyau fondateur de la Nouvelle Droite, et les monarchistes de la Restauration Nationale.

En 1973, l'échec aux législatives et la dissolution d'Ordre Nouveau par le Conseil des Ministres entraînent le départ des dirigeants d'Ordre Nouveau qui quittent le parti d'extrême droite. Mais c’est en 1974, lors de l’élection présidentielle, qu’une scission aboutit à une division définitive entre les nationalistes (Ordre Nouveau) qui vont soutenir Valéry GISCARD d’ESTAING et se rallier à Minute, et les « nationaux » (Front national) qui soutiennent Jean-Marie LE PEN, se rallient à Rivarol, et sont soutenus par les « nationalistes révolutionnaires ». Les « nationaux » vont refuser de soutenir Valéry GISCARD d’ESTAING.

En 1977, le Front national est de plus en plus reconnu et légitimé. Lors des élections municipales, des dirigeants du parti se présentent, sous l’étiquette F.N., sur des listes de la droite modérée.

Notes
174.

Cité par CAMUS et MONZA (1992), p.1

175.

Ibid

176.

Le Mouvement social italien est un parti politique italien d'extrême-droite, néo-fasciste, né le 26 décembre 1946 après la chute de la République sociale italienne et l'interdiction du Parti national fasciste par le gouvernement provisoire et les Alliés. A la suite d’un congrès organisé en janvier 1995, le M.S.I. décida d'un tournant décisif vers des formes plus modérées de centre ou de droite libérale, sous l'impulsion de Gianfranco FINI, adoptant alors le nom d’Alliance nationale. L'aile la plus dure de l'ancien M.S.I., guidée par Pino RAUTI, créa le Mouvement Social Flamme tricolore, qui continue de se situer clairement à l'extrême droite.