B – L’expression symbolique, langagière et esthétique de l’identité du Front national

L’expression symbolique, langagière et esthétique de l’identité du Front national repose sur un héritage politique composé de traditions et de valeurs.

L’héritage est une notion essentielle de l’idéologie frontiste car elle constitue le socle sur lequel doit s’appuyer la nation afin que soient préservées son identité et sa culture. Cette notion traduit à la fois la transmission des valeurs propres à la défense de l’identité nationale et également une glorification des « anciens ». Lors de son allocution à une conférence sur le thème « Civilisation contre barbarie. Lorsque le système politico-médiatique affaiblit nos valeurs », le 3 septembre 1993, Bruno MEGRET précise les conditions nécessaires à la défense de l’identité française : « La civilisation […] ne peut survivre et s'épanouir que si les règles, les normes qui la régissent perdurent à travers le temps. Si celles-ci sont fluctuantes, changent à tout moment, elles ne peuvent jouer leur rôle et la civilisation s'estompe et périclite. Là est tout le rôle bénéfique des traditions, qui enracinent et donnent aux normes leur caractère intangible, voire sacré». Cette sacralisation de la société, reposant sur le respect de normes et de traditions spécifiques à la nation, est une nouvelle forme de l’expression l’imaginaire politique du F.N.

D’un point de vue culturel, l’accent mis sur les traditions est le moyen de « flatter » le peuple, de lui prouver que le parti le comprend et souhaite promouvoir des œuvres de l’esprit qui symbolisent ce patrimoine. Il s’agit d’une tradition esthétique mais aussi technique puisque Jean-Marie LE PEN se pose en fervent défenseur de l’artisanat, véritable témoin des valeurs nationales chères au parti. Or le problème posé par la légitimité de présence de l’artisanat dans le champ culturel est celui de la notion de reproductibilité qui est contraire à l’essence même de l’art. Une œuvre d’art possède un caractère unique et non-reproductible224. HEGEL dans ses Cours d’esthétique 225 pose le postulat selon lequel le travail d’un artisan peut être reproduit à l’identique grâce aux règles de fabrication qui lui sont propres. Il précise également que la liberté artistique en est d’autant plus limitée voire absente, dans la mesure où des règles de fabrication sont fixées.

Le Front national développe une volonté de toucher les masses en dénonçant l’absence de toute forme d’« art national », c’est-à-dire d’un art fait par et pour le peuple.

Cette conception de l’art fait référence aux valeurs dans lesquelles est censée se reconnaître une certaine représentation du peuple français : un art qui fait appel à une certaine représentation de sa culture et de son patrimoine ; ce qui renvoie le F.N. à une culture du populisme.

L’art français aurait ainsi perdu de son authenticité au profit d’un art cosmopolite dont les œuvres ne reflèteraient en aucune façon l’identité française. En réponse à ce constat, le F.N. souhaite la mise en oeuvre de politiques culturelles fidèles à l’identité française par la promotion d’œuvres proches du peuple français.

La défense, par le F.N., de la culture française en tant que culture authentique du peuple français exprime la confusion de l’authenticité de la culture populaire et de l’authenticité de l’identité française. Seules peuvent selon lui représenter le peuple, les valeurs et les logiques culturelles de la culture populaire française.

Notes
224.

Sur ce sujet, Walter BENJAMIN, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité, Paris, Allia, 2003, 80 p. ; et Erwin PANOFSKY, L’œuvre d’art et ses significations : essai sur les arts visuels, Paris, Gallimard, Bibliothèque des Sciences humaines, 1969, 322 p.

225.

Les Cours d’Esthétique de HEGEL sont présentés dans la Collection « La philothèque », par Nicole ABECASSIS, Paris, Editions BREAL, 2004.