1 – 2 – Le complot des « grands » contre les « petits »

Le Front national oppose la « culture officielle », « élitiste », à la culture destinée à un « véritable public », « populaire », qui attendrait de l’Etat, la diffusion d’un art plus accessible et fidèle à la culture française. Le discours culturel du Front national est un discours de victimes, qui réclament la liberté d’expression comme si les adhérents au Front en étaient privés. Sur le plan culturel, la première mesure proposée par le Front national dans son programme de 1993 est intitulée : « Restaurer la liberté d’expression et de création ». Le F.N. estime qu’« [i]l faut libérer la pensée, l’expression écrite et la création artistique des entraves de tous les conformismes à la mode. » 301 La philosophie, les Lettres et les Arts répondraient ainsi uniquement à des règles et à des normes conformes aux modes imposées par les « grands » qui sont constitués de puissances internationales, d’élites intellectuelles, de partis au pouvoir, etc....

La « caste intellectuelle »302, telle que l’a décrite le F.N., aurait ainsi oublié le peuple dans l’application de sa politique culturelle en ne s’adressant qu’à un public d’initiés et d’experts. Le terme « caste » exprime l’idée d’un clan fermé sur lui-même dont les discours et les actions ne seraient réservés qu’à ses membres. Par cette expression, à connotation péjorative, le F.N. entend dénoncer les actions mises en œuvre par les acteurs culturels, dits « officiels », au nom de multiples lobbies. « La « culture » au sens actuel […] ne fait que consacrer la valeur économique ou conjoncturelle de pratiques individuelles ou collectives à prétentions intellectuelles ou artistiques. » 303 Or comme le précise Bruno MEGRET, « [les hommes] ne sont pas seulement des consommateurs et des travailleurs, ils ont aussi des besoins spirituels, moraux et identitaires, et ne s'épanouissent qu'au sein de communautés. » 304 L’Etat, au nom de multinationales dirigeantes, « aliénerait » le peuple français par des œuvres qui auraient pour vocation de « déraciner » les civilisations. « [O]sons affirmer que la guerre économique, dont personne ne nie plus l’existence, dissimule une véritable guerre culturelle. Ses enjeux sont notre colonisation, notre aliénation. Sa cible est notre identité » 305 . Les grandes multinationales seraient ainsi à l’origine du déclin et du déracinement de la France dénoncé par le Front national par la diffusion d’une culture « cosmopolite » unique dont l’objectif serait d’aliéner le peuple afin de lui supprimer son identité.

Le complot des « grands » contre les « petits » tend également à dénoncer ce que Jean-Marie LE PEN a nommé le « Yalta culturel »306 dont les membres seraient la « bande des quatre » qui se seraient partagé le pouvoir et laissé à la gauche le monopole de la culture. Or, le Front national, en tant que parti d’opposition, aurait été exclu de ses « arrangements » dans la mesure où il serait un parti oeuvrant pour la défense et à liberté du peuple. Dans la logique de la dénonciation des actes commis par « les autres », le F.N. s’attache à amplifier ses propos en soulignant l’implication des médias dans une sorte de « mise à l’écart » dont il serait la victime.

Notes
301.

FRONT NATIONAL (1993), 1ère proposition, « Restaurer la liberté d’expression et de création »

302.

Site Internet du Front national, Pages « Culture », mai 1999

303.

FRONT NATIONAL (1993), « « Civilisation » ou « culture » ? »

304.

Cette citation est issue du site Internet de Bruno MEGRET dans une page consacrée aux ouvrages de l’ancien numéro 2 du Front national, sous le titre L’impératif du renouveau, les enjeux de demain. Pourtant, à la lecture de cet ouvrage paru aux Editions Albatros en 1986, nous souhaitons préciser qu’elle n’y apparaît pas, ce qui traduit selon nous, une réactualisation des textes par son auteur.

305.

MEGRET in LE PEN (1987), p.101

306.

LE PEN (1982), p.166

Une nouvelle fois ce terme est une façon de s’approprier la figure du Général De GAULLE, exclu de la Conférence de Yalta (Crimée) qui a eu lieu du 4 au 11 février 1945 et à laquelle ont participé Franklin ROOSEVELT, Winston CHURCHILL et Joseph STALINE.