La civilisation française serait aujourd’hui menacée par l’immigration comme le prétend le Front national dans un chapitre de son programme culturel intitulé « Libérer la culture française des menaces de l’immigration ». Le refus d’une France pluriculturelle peut être considéré comme une attaque visant à soutenir la thèse de l’insécurité qui règnerait en France, en raison, toujours selon le F.N., de l’importance du nombre d’immigrés. Cette nouvelle population compromettrait à terme l’identité nationale et ainsi la culture française. « Le refus de la société multiculturelle, au nom de l’identité de la France, est le combat fondamental du Front national» 331 .
Dans le programme de 1993, le F.N. fustige l’immigration tout en condamnant ce qu’il nomme la « ripoublique » : « [p]our s’assimiler, il faut respecter et partager des valeurs spirituelles, morales, culturelles suffisamment fortes et entraînantes pour abandonner les siennes. Or, les quartiers ethniques et les cités-ghettos, repliés sur eux-mêmes et fonctionnant trop souvent grâce à l’argent de la drogue, peuvent d’autant moins « faire France » qu’ils voient des dirigeants politiques et médiatiques montrant ouvertement leur hostilité aux valeurs nationales et leur adhésion au mondialisme. Comment pourraient-ils « respecter la loi française » quand ils voient ces derniers pratiquer la corruption, ou acheter la paix civile à coup de subventions publiques de la « politique de la ville »? » 332. Les habitants de ce que le F.N. nomme « quartiers ethniques » ou « cité-ghettos »333 seraient influencés par les membres corrompus de l’établissement en participant au déclin de la France par le non-respect de ces lois et de ces valeurs.
Au-delà même d’un thème mobilisateur, l’insécurité est devenue une priorité pour une grande partie de la population française 334 . Comme le signalaient, dès 1983, Bertrand LE GENDRE et Edwy PLENEL, «[l’]’insécurité est un fourre-tout qui brasse pêle-mêle des faits de société a priori peu comparables, de la boîte aux lettres fracturée au chômage croissant, de l’affrontement des cultures à l’absentéisme scolaire, du vol à l’étalage à la menace terroriste… » 335 . Dans le cas du F.N., le discours sur l’insécurité permet avant tout de stigmatiser l’Islam tout en traitant de multiples sujets pour sensibiliser son auditoire : la culpabilité des pouvoirs publics français quant à l’augmentation de l’immigration, la défense de la religion catholique, menacée par l’Islam. En d’autres termes, Jean-Marie LE PEN apporterait des promesses en réponse à ces trois éléments.
FRONT NATIONAL (1993), L’Immigration, « France enracinée contre société multiculturelle »
FRONT NATIONAL (1993), L’Immigration, « Une menace mortelle pour l’identité française »
D’un point de vue sémiologique, il nous semble intéressant de relever l’utilisation du trait d’union dans l’expression « cité-ghettos » qui laisse supposer l’existence d’un lien intrinsèque entre ces deux termes.
Bien que cette période dépasse celle de notre étude, la campagne pour les élections présidentielles de 2002 est un exemple majeur de ce que le journal Le Monde appelait « un développement imprévisible ».
Bertrand LE GENDRE et Edwy PLENEL, « Les urnes de la peur », Le Monde, 11 novembre 1983