1 – Les acteurs culturels du Front national

Afin d’assurer son influence au sein du parti d’extrême droite, Bruno MEGRET développe une stratégie visant à élargir son réseau de sympathisants. En s’adressant à un grand nombre de publics différents, notamment par la création de l’Institut de Formation Nationale (I.F.N.) et l’intégration dans des réseaux syndicalistes, le F.N. va se constituer une sorte de listes de revendications, qui va lui permettre de développer ses argumentaires. En effet, le F.N. a adapté ses discours et ses propositions, aux revendications qui seront relevées par ses cadres et ses militants lors des multiples réunions associatives ou syndicales.

Au sein même du F.N., Bruno MEGRET va mener une campagne de conquête des esprits auprès des diverses sensibilités internes. En interne, il va profiter de sa nomination comme Délégué général pour contrôler la formation des cadres -à travers l’I.F.N.-, les études, la propagande et la communication.

Le réseau culturel366 sera constitué par l’intermédiaire de l'Institut d'Action Culturelle (I.A.C.)367, présidé par Bernard ANTONY, qui s’est vu confier à de multiples reprises l’organisation de conférences pour l’I.F.N. De nombreux intervenants ont pu ainsi présenter leur vision de la culture : Bruno MEGRET, bien évidemment, mais également, Michel HUBAULT, secrétaire général de l’Institut d’Action Culturelle et Pierre VIAL, Président de l’association Terre et Peuple 368 , pour ne citer qu’eux. Le 9 avril 1996, Michel HUBAULT, secrétaire général de l'Institut d'action culturelle du Front national, indiquait : « Nous avons deux objets, d'une part développer la culture politique des adhérents et des cadres du Front national, d'autre part développer la conception de la culture qu'a le Front national, ses idées ; il s'agit donc de lier notre action actuelle et ce qui est relatif à notre patrimoine politique, nos auteurs, nos poètes […].» 369 Les participants à ces sessions de formation vont ainsi exprimer une véritable profession de foi dans leur apprentissage des codes culturels frontistes. Jean-Marie LE PEN, quant à lui, présente ces nombreux débats et conférences comme des éléments de réflexion pour la reformulation d’une politique culturelle qui serait, selon lui, plus à même de répondre aux attentes du peuple français.

Une conférence, organisée en 1997 par l’Institut d’Action Culturelle, proposait aux cadres du Front national de réfléchir à la relation entre « Science et culture » en posant la question suivante : « Les techniques conduisent-elles inéluctablement au déracinement ? » 370 Lors de son intervention, Bruno MEGRET apporta sa réponse en précisant que le progrès technique, intrinsèquement lié à la mondialisation, serait coupable du « déracinement » de nos civilisations et constituerait « le problème majeur de cette fin du XXe siècle ». « […] Ce n'est pas un hasard si, en même temps que se développe ce progrès technique dans les communications, se développe également la mondialisation culturelle, économique et politique de la planète ».En d’autres termes, la mondialisation conduirait à la disparition des identités nationales propres à chaque civilisation par leur origine, leur histoire, leur culture, au profit d’une identité plurielle face à laquelle s’oppose le F.N.

Notes
366.

Par réseau culturel, nous entendons parler des militants et de dirigeants frontistes dont les réflexions faites sur les questions culturelles peuvent susciter un intérêt pour le F.N.

367.

Cf. p.64

368.

Association crée en novembre 1994, Terre et peuple a pour objectif d’influer l’idéologie néo-païenne au sein de l’extrême droite française et européenne.

369.

Entretien réalisé dans le cadre du mémoire de l’Institut d’Etude Politiques de Lyon de Cécile BODET-DOCKES. La question posée fut la suivante : « Quelle est la conception du Front national en matière de culture, que propose-t-il ? ».

370.

MEGRET, « Science et culture. Les techniques conduisent-elles inéluctablement au déracinement ? », Conférence du 2 septembre 1997