3 – La place des subventions dans les politiques culturelles du F.N.

Pour le Front national, l’art est perçu comme le témoin de son identité ce qu’il légitime par une distinction entre la culture et la culture subventionnée. Bruno MEGRET dans une interview accordée au magazine Mouvement, en juin 1998, expliquera ainsi cette distinction : « La culture ne se conçoit pas principalement comme un débat. Elle est l’expression libre d’artistes qui disent ce qu’ils ont à dire et qui s’expriment à leur manière, à travers le langage de l’art. Et cela doit être totalement libre. Mais ce qui est subventionné, c’est autre chose. Le problème qui est posé n’est pas celui de l’art ou de l’expression culturelle, c’est celui de la subvention. » 384 Cette opinion exprimée par le numéro deux du parti, suit les traces des propos tenus, en 1973 par le Ministre des Affaires culturelles, Maurice DRUON  : « ceux qui viennent à la porte de ce Ministère avec un cocktail Molotov dans une main et une sébile dans l’autre devront choisir » 385.

Pour Bruno MEGRET, il s’agit surtout de s’adresser aux diverses associations qui ont manifesté leurs désaccords avec les nouvelles équipes municipales, et plus globalement avec le F.N. Dès 1982, Jean-Marie LE PEN dénonçait « les subventions accordées à la partie réputée artistique d’un rassemblement soi-disant anti-raciste co-financé par Jack LANG » 386 .

Les alliances passées lors des élections régionales de mars 1998, entre des élus de droite et des élus frontiste, auront permis au F.N. d’imposer ces choix au sein des conseils régionaux Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon, Picardie et Bourgogne. Ainsi, quelques mois après ces élections, le président de la région Languedoc-Roussillon, Jacques BLANC (U.D.F), annonça qu’il n’était « pas question de subventionner des associations qui se comportaient comme des institutions politiques » 387 . Cette déclaration, fortement influencée des discours du Front national, fut prononcée lors de l’ouverture du débat d’orientation budgétaire destiné à préparer le budget de la région, dont le vote était prévu en décembre 1998388. Les élus régionaux du F.N. avaient à maintes reprises réitéré l’opposition de leur parti à toutes les aides décernées à des associations dont les membres avaient pris publiquement position contre l’élection des quatre présidents de région.

Le Front national pratique ainsi un nouvel amalgame entre le soutien public à la création artistique et la dénonciation des attaques exercées à son encontre au nom desquels il adopte la figure de la victime. C’est en réponse du financement accordé aux artistes oeuvrant pour le dialogue interculturel, qui serait à l’origine du déclin de la nation, que le F.N. revendique une expression culturelle fidèle aux valeurs et aux traditions françaises. Le soutien financier proposé par le parti dans ses différents discours, tel que par exemple « l’avance sur recettes [aux] jeunes auteurs français » 389 , exprime une forme de censure dissimulée par des revendications identitaires.

Notes
384.

Entretien avec Bruno MEGRET, Mouvement, juin 1998, pp.9-11

385.

Maurice DRUON a occupé le poste de Ministre des Affaires culturelles dans le gouvernement de Pierre MESSMER, du 5 avril 1973 au 29 février 1974.

386.

LE PEN (1982), p.173

387.

Dépêche de l’Agence France Presse (A.F.P.), 4 novembre 1998, 17h37

388.

De nombreuses associations virent ainsi leur demande de subvention réduite par rapport aux années précédentes, voire même refusée.

389.

MEGRET (1986), p.117

« Créée en 1960, l'avance sur recettes a pour objectif de favoriser le renouvellement de la création en encourageant la réalisation des premiers films et de soutenir un cinéma indépendant, audacieux au regard des normes du marché et qui ne peut sans aide publique trouver son équilibre financier. L'attribution des avances sur recettes est décidée par le Directeur général du C.N.C. après avis d'une commission composée de personnalités reconnues de la profession ». (Source : Site Internet du C.N.C.)