2 – 2 – Le centre culturel Mosaïques

Crée en 1991 au temps de l’ancienne municipalité socialiste, le centre culturel Mosaïques bénéficiait d’une subvention municipale annuelle de 1,5 millions de francs (soit la moitié de son budget), ainsi que de l’usage de locaux municipaux et de la salle de spectacles. Mosaïques organise la majorité des spectacles de la ville et un Festival annuel, « les Nuits du Théâtre antique ».

À l'automne 1995, après avoir dénoncé la convention de développement culturel qui liait la ville, l'Etat et Mosaïques, association para-municipale, Jacques BOMPARD manifesta sa volonté de contrôler la programmation et l'utilisation des lieux. Suite au refus de Liberto VALLS, directeur du centre, le maire d’Orange annonça, lors du conseil municipal du 26 septembre 1995, l’annulation des conventions liant les deux parties. Jacques BOMPARD justifia cette décision en précisant qu’il était « obligé » de choisir entre l’augmentation des impôts locaux et le maintien des engagements pris envers cette structure d’action culturelle. Annuler cette subvention revenait tout simplement à supprimer le centre, d’autant que les engagements de l’Etat et de différentes collectivités territoriales dépendaient de la subvention municipale au titre de la gestion de service public.

Lors d’un entretien avec Cécile BODET-DOCKES452, le 25 mars 1997, André Yves BECK, Chargé de la communication de Jacques BOMPARD, précise que le centre « « Mosaïques » était tout à fait d'accord pour recevoir les subventions mais refusait qu'on rentre dans l'association. On ne peut pas fonctionner, naturellement. Aux Etats-Unis, quand l'administration démocrate arrive, elle vire l'administration républicaine et vice-versa. Il est normal quand on arrive au pouvoir qu'on veuille travailler avec des gens qui sont sur la même longueur d'ondes que vous. On ne pouvait donc pas travailler avec « Mosaïques » (...). Nous n'avons pas reconduit ces gens-là ».

La comparaison avec les Etats-Unis est contraire à l’hégémonisme américain dénoncé par le F.N que nous avons évoqué dans notre seconde partie. Selon la nouvelle municipalité, l’équipe de Mosaïques était constituée de personnalités de gauche, qui ont manifesté publiquement leur position face à la nouvelle municipalité. Liberto VALLS a en effet participé à de nombreuses réunions publiques et manifestations anti-F.N. organisées par des collectifs associatifs.

Le directeur de « Mosaïques », Liberto VALLS a déposé un recours administratif auprès du Préfet du Vaucluse au titre d’une exécution illégale dans la mesure où la convention liant les deux parties ne pouvaient être annulées qu’après un préavis d’un an. Pourtant, le 16 octobre 1995, une injonction parvint au directeur du centre par lettre recommandée, lui notifiant de « libérer et de restituer les biens » avant le 11 novembre de la même année.

Le ministre de la Culture, Philippe DOUSTE-BLAZY, chargea le Préfet de déposer un recours contre la suppression des subventions du centre culturel, décidée par le Front national. Le S.Y.N.D.E.A.C. (Syndicat des directeurs des entreprises artistiques et culturelles) organisa une conférence de presse dans le but d’alerter l’opinion publique et de dénoncer des tels agissements.

Le centre culturel réussit néanmoins à survivre avec l’aide de subventions nationales et le soutien de nombreux professionnels de la culture. Le Front national aura néanmoins réussi à étouffer une partie de ce lieu culturel, dans la mesure où la programmation fut modifiée par la mise en place de spectacles moins coûteux et la réduction d’œuvres de création.

Notes
452.

Entretien réalisé par Cécile BODET-DOCKES dans le cadre du mémoire de DEA de Sciences politiques de l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon en 1997.