3 – 1 – Le T.N.D.I. de Châteauvallon

Le Centre national de création et de diffusion culturelles de Châteauvallon est un centre culturel particulièrement consacré à la création théâtrale et chorégraphique, créé en 1964 par Gérard PAQUET et Henri KOMATIS. En 1987, ce centre devient un Théâtre national de la danse et de l'image (T.N.D.I.) sous la direction de Gérard PAQUET. L’arrivée du Front national dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, et plus particulièrement celle de Jean-Marie LE CHEVALLIER à la mairie de Toulon, aura pour conséquence l’engagement de Gérard PAQUET dans « un bras de fer politique, symbole de la résistance des milieux culturels au Front national 456 ». Cet engagement entraînera, dès 1995, le refus de toute subvention émanant de la mairie de Toulon. Quelques semaines après, Gérard PAQUET annonça l’organisation de conférences mensuelles nommées « L’Urgence de comprendre » qui prenaient pour cible et objet d’étude le Front national. Lors de la troisième conférence, le 16 mars 1996, Gérard PAQUET invita l’universitaire Samir NAÏR afin de débattre sur les lois PASQUA 457 . Le Préfet du Var, Jean-Charles MARCHIANI (faire un topo sur politique menée par MARCHIANI), fidèle de l’ancien Ministre de l’Intérieur, Charles PASQUA, décida alors de lancer un contrôle des finances du Théâtre national. En avril 1996, Jean-Marie LE CHEVALLIER convoqua un comité de tutelle, dont il pris la présidence afin de participer à ce contrôle.

Lors des journées culturelles du Front national de la Jeunesse (F.N.J.), le 1er juin 1996 à Paris, Jean-Marie LE CHEVALLIER a dénoncé « la faute culturelle » commise par Gérard PAQUET, directeur du Théâtre National de la Danse et de l’Image de Châteauvallon. Ce dernier, en effet, a souhaité organiser un concert du groupe de rap NTM, groupe qui, selon Jean-Marie LE CHEVALLIER « porte atteinte à la dignité de la femme et de la mère » 458 .

Il est intéressant de relever que cette dénonciation a eu lieu face aux jeunes militants du parti afin de les mobiliser dans la « guerre culturelle » que le parti a engagé à l’encontre notamment du rap, style musical reconnu comme antinational.

Le Maire de Toulon a notamment condamné le festival « Connexions Hip hop » auquel aurait dû participer le groupe N.T.M., ainsi que la majorité des créations artistiques consacrées aux arts urbains.

La mairie, co-gestionnaire minoritaire du site459, avança également « la faute professionnelle» commise par Gérard PAQUET, à savoir son refus des subventions municipales pour des raisons politiques Il n’en fallait pas plus à la mairie de Toulon pour demander la démission du Directeur auprès du Conseil d’administration.

Un administrateur judiciaire provisoire fut nommé en octobre 1996 par le Tribunal de Grand Instance de Toulon et se vit confier des missions de gestion et d’administration de l’association. Cette décision judiciaire amplifia l’impasse dans laquelle se trouvait le T.N.D.I. dans la mesure où la nomination d’un nouveau directeur exige, conformément aux statuts, le «double agrément» du Ministre de la Culture et du maire.

Après une mise à pied le 22 janvier 1997, la mairie parvint à obtenir le licenciement de Gérard PAQUET, le 1er février 1997 et demanda, avec l'appui du Préfet du Var, la dissolution de l'association de Châteauvallon.

En mars 1997, dans le journal le Toulonnais, Jean-Marie LE CHEVALLIER précisa sa position par rapport au directeur du T.N.D.I. : « Gérard PAQUET a fait de Châteauvallon le symbole […] d’une contre-culture, celle de l’absurde, de l’imposture et de la laideur, coupée du public toulonnais ». Soutenu par ailleurs, selon lui, par « les cuistres de la gauche germano-pratine », Gérard PAQUET serait un « soixante-huitard attardé, sectaire cramponné depuis trente-deux ans à son pouvoir, qui a ajouté aux fautes juridiques et de gestion, celles culturelles ». Toutes ces critiques traduisent la politique de censure mise en oeuvre par Jean-Marie LE CHEVALLIER à l’encontre d’une personnalité culturelle affirmant ses positions face au F.N. Cette forme d’expression du pouvoir local exercé par le F.N. constitue un exemple emblématique de l’absence de médiation culturelle dans les politiques culturelles du parti.

Au-delà de la presse écrite qui suivit régulièrement l’affaire, la presse audiovisuelle diffusa plusieurs reportages460 : la chaîne F.R.3. proposa notamment, en 1996, une interview de Philippe DOUSTE BLAZY, Ministre de la Culture, à propos de la culture dans les villes du Front national461.

Ainsi, à coups de batailles médiatiques et juridiques, et avec l’aide de l’Etat par l’intermédiaire de la Ministre de la Culture, Catherine TRAUTMANN, une nouvelle association a été créée en juin 1998, et a pris la dénomination de « Centre national de Création et de diffusion culturelle ».Trois membres fondateurs composent le « Centre national de Création et de diffusion culturelle » : l’Etat, le Conseil général du Var et la mairie d’Ollioules -commune où se trouvent les locaux de l’ex-T.N.D.I- ; ils seront rejoint quelques mois plus tard par le conseil régional de P.A.C.A.

Notes
456.

FRETARD, Le Monde, 4 février 1997

457.

Samir NAÏR est l’auteur du livre Contre les lois PASQUA, paru dans la collection poche des éditions Arléa en 1997.

Les lois PASQUA ont été adoptées en 1986 sous le second gouvernement de Jacques CHIRAC dans le but de réguler l'immigration (Loi n°86-1025 du 9 septembre 1986 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, J.O n° 86 du 12 septembre 1986 page 11035).

458.

DELY, Libération, 3 juin 1996

459.

Le conseil d’administration d’un théâtre national est composé de vingt et un administrateurs (représentant notamment l’Etat, la région et le département) dont trois sont des élus municipaux.

460.

FR3 - Soir 3 - 16 juin 1996 (1mn 57 secondes) - « Châteauvallon »

FR3 - Soir 3 - 12 février 1997 (1mn 16 secondes) - «Départ pour Châteauvallon »

Antenne 2 - Midi 2 - 23 janvier 1997 (1mn 54 secondes) - « Bibliothèque et Châteauvallon »

461.

FR3 - Dimanche soir - 18 février 1996 (1mn 9 secondes)