A – Les politiques culturelles du Front national comme facteur d’institution d’un espace public d’information et de débat

Les victoires des quatre maires F.N. aux élections municipales de 1995 auront créé de véritables situations de crise des politiques culturelles, amplifiées, en 1998, par les élections régionales. Des alliances entre la droite et le F.N., passées au sein de quatre conseils régionaux (Bourgogne, Picardie, Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon), furent également à l’origine de troubles inquiétants sur les politiques culturelles.

En Languedoc-Roussillon comme en Rhône-Alpes, les relations sont tendues entre les exécutifs et le monde de la culture. Les artistes craignaient à l’époque -en 1998- que le Front national ne parvienne à imposer ces choix. Les craintes ont malheureusement été plus que justifiées. Monsieur Jacques BLANC (U.D.F.), Président du Conseil régional du Languedoc-Roussillon, élus grâce à une alliance passée avec le F.N., a concentré ses attaques sur Jean-Claude FALL, metteur en scène à la tête du Théâtre des treize vents, qui bénéficie du statut de Centre Dramatique Régional. Monsieur FALL, qui n’a jamais caché son hostilité face au F.N., s’est vu rejeter sa demande de subvention pour la saison 1998-99478.

En Rhône-Alpes, un tiers des dépenses ont été supprimées et de nombreux metteurs en scène en ont été les premières victimes, notamment Moïse TOURE et BOUBA LANDRILLE479 qui réalisent un travail d’animation sociale et culturelle en proposant notamment des cours de hip-hop à des jeunes issus de quartiers, dits sensibles.

Ces quelques exemples tendent à expliquer les raisons de l’institution, dans les villes et régions concernées, d’un véritable espace publicd’information, de débat, lancé principalement sous l’impulsion de l’affaire Châteauvallon. Le T.N.D.I est ainsi bel et bien devenu un symbole de résistance culturelle face à l'extrême droite. La chaîne de service public Antenne 2 proposa un numéro spécial de l’émission Bouillon de culture, intitulé « Colère de la culture », le 14 février 1997, auquel participèrent Bruno GOLLNISCH, Patrice CHEREAU, Denis ROCHE480, Bertrand TAVERNIER, Jean-Marie ROUART481, Gérard PAQUET, Philippe DOUSTE-BLAZY, Guy SORMAN482, Jacques BARREAU483. Une véritable mobilisation nationale sera mise en œuvre, ayant comme objectif de mettre le projecteur sur les conséquences des politiques locales menées par le F.N. À titre d’exemple, Catherine TRAUTMANN soulignait dans le numéro d’octobre 1998 de Livres Hebdo que « dans les municipalités gérées par le Front national, la fragilité de la profession [de bibliothécaire] est apparue de façon brutale » 484 . Ces politiques culturelles susciteront ainsi de nombreux débats autour de la liberté d’expression, de la notion de pluralisme, de l’intervention de l’Etat dans le champ des politiques culturelles, du rôle et du statut des acteurs de la médiation culturelle, etc…

Notes
478.

Le Théâtre des Treize Vents était subventionné à hauteur d’1,5 millions de francs par la région.

479.

Ces deux professionnels avaient présenté leur spectacle au Festival d’Avignon l’année de leur demande de subvention.

480.

Denis ROCHE est photographe français, il fut également directeur littéraire pour les éditions Tchou et Seuil, et auteur de plusieurs ouvrages.

481.

Jean-Marie ROUART est un écrivain et journaliste française, académicien depuis 1997.

482.

Journaliste, notamment au Figaro, et écrivain, Guy SORMAN fut conseiller culturel auprès du Ministre des Affaires étrangères de 1995 à 1997.

483.

Président de l'Institut national d'études démographiques.

484.

TRAUTMANN, in Livres Hebdo, n°308, 9 octobre 1998, p.7.