2 – Les associations et les militants

En septembre 1996, est créé le Comité national de vigilance contre l’extrême droite constitué de 45 associations politiques, syndicales et associatives. Celui-ci est à l’origine de la publication d’un rapport résultant de rencontre-débats entre des membres du comité et des collectifs et associations luttant contre le F.N. dans les villes qu’il dirige. Ce rapport permit d’établir des constats et des besoins spécifiques à chaque acteur de la médiation culturelle afin d’aboutir au développement de quatre actions : sortir de l’isolement les collectifs locaux et les associations, faire évoluer les situations politiques locales en s’adressant aux sièges nationaux des partis politiques, obtenir un véritable soutien de l’Etat, des collectivités et des administrations, et enfin d’informer les citoyens sur la vie quotidienne dans les villes administrées par le F.N.

Le Comité national de vigilance dont le coordinateur fut Jean-Marc SABATHE (P.R.G.), était composé dès 1996 de : Jean-Luc BENNAHMIAS (Les verts), Alain CALLES (M.R.A.P.), Serge JAKUBOWITZ (P.S.), Michel LAURENT (Ras l’Front), Valérie LOIZON (Fédération Nationale des Français), Sébastien MOREAU (Le Manifeste contre le F.N.), Hélène ORAIN (S.O.S. Racisme), Christian PIQUET (L.C.R.), Jean-Claude RAMOS (Réseau Voltaire), Christine THOMAS (C.A.D.A.C.)489.

À Vitrolles, l’association C.A.V. (Coordination des Associations Vitrollaises) est fondée en avril 1997. Elle regroupe une quarantaine d’associations dont l’objectif est de se doter de moyens indépendants de la municipalité par la mise en commun d’informations. Des réunions mensuelles ont été organisées à la maison des syndicats ; elles ont abouti à la préparation d'initiatives unitaires (manifestation du 1er mai, actions de soutien au Sous-marin, fête de la musique, grand pique-nique de la solidarité, etc...). L’association C.A.V. organise des actions quotidiennes sur le terrain (manifestations, distribution de tracts, organisation de réunions publiques, etc…). Ces manifestations ont comme objectif principal de trouver des partenaires privés afin de subvenir aux besoins financiers des associations, et de constituer un véritable réseau de « résistance ». En se regroupant, les associations ont pu développer leur travail quotidien de résistance, ce qui aura comme conséquence une forte médiatisation faisant figure de dénonciation de la politique municipale.

À Orange, « Alerte Orange » réunit environ 430 adhérents. Cette association a pour principales actions l’information et la vigilance sur tout ce que fait la municipalité, la création d’un journal, l’organisation de conférences citoyennes présentant des témoignages d’animateurs partout en France. Les préoccupations principales d’Alerte Orange sont : l’absence d’une réelle politique d’opposition, le manque de moyens matériels et financiers et le manque de mobilisation citoyenne. L’association s’est dissoute en 2001 après la réélection de Jacques BOMPARD à la mairie d’Orange avec presque 60% des voix dès le premier tour.

« Faire Face » est la seconde association créée à Orange après l’élection de Jacques BOMPARD. Elle compte, en 1997, environ 120 adhérents réunis autour de 4 principales actions : la création et l’organisation de journées de débats, l’élaboration d’une charte citoyenne, l’organisation d’un « 1er mai unitaire », et la création d’un journal local.

Enfin la troisième des principales associations, dites anti-F.N., de la ville d’Orange, se nomme « Orange 2001 » et réunit environ 60 adhérents. Sa principale mission était de préparer les prochaines municipales de 2001.

À Lyon, l’élection de Charles MILLON490 comme Président du Conseil Régional et la nomination, le 30 avril 1998, de Pierre VIAL au titre de Vice-président de la Communication culture, auront des conséquences désastreuses pour la culture, notamment par le refus de plus d’un tiers des subventions culturelles. En effet, lors de L’assemblée plénière du Conseil régional des 25 et 26 juin 1992, Pierre VIAL exprimait déjà ses positions quant aux questions culturelles : « Le fait même de lier les mots « politique » et « culturel » est déjà en soi éclairant. Nous considérons en effet qu’aucun choix culturels ne peut être séparé d’un engagement politique idéologique » 491 . En devenant Vice-président de la Communication culture, Pierre VIAL a déposé plusieurs amendements dans l’élaboration du budget culturel de la région Rhône-Alpes de l’année 1999 : l’amendements n°46 propose de « diminuer de 17 millions de francs (sur un total de 48 millions) la ligne « soutien aux filières culturelles » », au motif que « dans le domaine des arts plastiques sont baptisés « art contemporain » des « choses » dont la raison d’être est la dérision, la provocation, le rejet du réel, l’exploitation du snobisme, le copinage institutionnalisé » 492 . Les multiples coupes budgétaires sont contrebalancées par une augmentation du budget de « valorisation du patrimoine régional » pour lequel, le groupe F.N., demande par l’amendement n°47, une augmentation de 15 millions de francs (sur un total de 10,3 millions). En somme, le F.N. demande une augmentation d’environ 145 % du budget consacré à la valorisation du territoire et du patrimoine régional.

Les actions mises en œuvre par le nouveau conseil régional seront majoritairement dénoncées par la création d’une coordination des acteurs culturels de la Région Rhône-Alpes, sous le nom de V.A.C.C.I.N. (Vigilance, Art, Culture Contre les Idées Noires)493.

En Languedoc-Roussillon, le président de la région Jacques BLANC (U.D.F.) rencontrera le même mouvement contestataire de défense pour les libertés civiques et individuelles.

Tout comme au sein des trois autres conseils régionaux494, Jacques BLANC495, élu grâce à des alliances passées avec le F.N., a annulé le renouvellement de subventions habituellement accordées à de nombreux organismes culturels. Des membres d’associations culturelles, syndicalistes, universitaires ou parents d’élèves, lancèrent le Collectif du 20 mars qui sera à l’origine de nombreuses manifestations de soutien aux acteurs culturels victimes des politiques décidées par le président de région sous la pression du F.N496. Le défilé du 18 avril 1998, à Montpellier, rassembla, selon les organisateurs plus de dix huit mille personnes. Ce collectif lança un « appel solennel aux 21 élus de la droite républicaine du Languedoc-Roussillon… [Il] les engagent à ne pas s’allier au Front national et exige la démission de M. Blanc pour trahison aux valeurs républicaines » 497 . Ces manifs auront suscité de nombreux débats publics dans une perspective d’information de l’opinion et de mobilisation du gouvernement et de la classe politique.

Notes
489.

Le sigle C.A.D.A.C. signifie Coordination des Associations pour le Droit à l'Avortement et à la Contraception.

490.

Cf. Annexe n°18, Exemples d’intervention du groupe Front national au Conseil Régional Rhône-Alpes.

491.

Compte-rendu de l’Assemblée plénière du Conseil régional Rhône-Alpes, 25-26 juin 1992, p.72

492.

Compte-rendu des amendements déposés par le groupe F.N. du Conseil régional Rhône-Alpes dans le cadre de l’élaboration du budget culturel de 1999.

493.

Cf. Annexe n°19, Présentation de l’association V.A.C.C.I.N.

494.

En l’occurrence Rhône-Alpes, Picardie et Bourgogne.

495.

Jacques BLANC a été Président du Conseil Régional du Languedoc-Roussillon de 1986 à 2004. Il a été élu Sénateur U.M.P. de la Lozère en 2001 et est également Conseiller Régional du Languedoc-Roussillon.

496.

MONIN, Le Monde, 18 avril 1998

497.

MENDOZA, Les saisons de la danse, n°305, Juin 1998

Nous tenons à préciser que les quatre présidents de régions auront occupé leur fonction jusqu’à la fin de leur mandat.