I – L’idéal et l’imaginaire politique du Front national

L’idéal politique est un ensemble de formes, de représentations dont se soutient l’engagement des acteurs sociaux dans le choix de leurs discours et de leurs pratiques politiques. C’est la culture qui rend possible les représentations dont nous sommes porteurs dans la société. Aussi, la notion de citoyenneté, dont fait partie l’ensemble des droits et des devoirs fondamentaux, est l’expression politique de l’identité du sujet.

L’idéal politique représente la dimension imaginaire de l’identité politique, il exprime l’utopie, le projet de société dont se soutient un engagement politique ou un parti. L’idéal politique est ce qui donne du sens à l’appartenance politique. Dans le cadre du F.N., l’idéal politique repose sur la promotion des valeurs de l’identité nationale (l’ordre, le déterminisme du sang et du sol, le respect des traditions, la hiérarchie, par exemple), sur la valorisation et la défense du peuple français, sur sa dimension économique libérale.

Dans le cadre de l’élaboration d’une théorie des représentations culturelles des identités politiques et plus particulièrement de l’identité politique du F.N., nous estimons qu’il convient de montrer que « [l]a culture est là pour permettre que notre appartenance et le lien social dont nous sommes porteurs soient balisés, structurés, et pour qu’ils soient signifiants, c’est-à-dire qu’ils soient porteurs de sens, pour nos pratiques sociales et culturelles et pour la représentation de notre propre appartenance et de notre propre sociabilité » 509 . À partir de cette approche, développée par Bernard LAMIZET, nous souhaitons souligner que le problème majeur des politiques culturelles frontistes est que l’idéal politique du parti repose sur de l’imaginaire construit, d’une part autour de fantasmes de persécution que sont le complot et la menace, et d’autre part autour de la conception d’une « contre-société » rassemblant toutes les « victimes » de l’«Etablissement »510. De plus, le Front national refuse tout dialogue avec les acteurs culturels dont l’engagement serait contraire à ses conceptions et à son idéologie. C’est pourquoi le F.N. dénonce tous ceux qui non seulement ne seraient pas porteurs de l’identité nationale, mais aussi tous ceux qui « agresseraient » le peuple, la communauté nationale.

« L’idéal politique s’inscrit dans une logique de médiation : en ce sens, il représente aussi ce qui donne du sens à l’appartenance politique pour toutes les consciences individuelles qui, dès lors, inscrivent leurs pratiques politiques et sociales dans une perspective morale et éthique 511.

Les pratiques culturelles peuvent être l’expression d’une appartenance politique répondant d’une quête de l’idéal de soi. L’idéal de soi est l’instance à laquelle le sujet s’identifie imaginairement dans l’expérience artistique et/ou culturelle, afin d’exprimer la sublimation esthétique de ses pratiques artistiques. De plus et avant même d’adhérer à un spectacle, le public se met en avant dans le sens où il cherche à s’identifier, par exemple, à l’un des personnages. Il adhère ainsi à une représentation de lui-même, à une représentation de son statut et de son pouvoir dans l’espace public.

L’identification du public dans les politiques culturelles du F.N. implique non seulement la reconnaissance d’une identité nationale mais aussi la nécessité de défendre cette identité au nom du peuple.

Notes
509.

LAMIZET (1998), p.354

510.

Terme utilisé par le parti pour parler de ce qui est communément appelé l’« establishment ».

511.

LAMIZET (1998), p.405