A – La valorisation et la défense du peuple

Yves MENY et Yves SUREL ont rappelé dans leur ouvrage Par le Peuple, pour le peuple, que « [l]es partis populistes se caractérisent donc par une double hybridation : ils sont dans le système et en dénoncent les dérives ; ils rappellent le primat du peuple contre les élites en place tout en s’affichant comme les seules organisations «authentiquement» représentatives » 512. Le terme « peuple » définie ainsi le rassemblement des « petits » contre l’élite des gouvernants. Dans le cas du Front national, « le peuple » exprime à la fois une communauté nationale et une force politique. C’est ce qu’affirme Bruno MEGRET dans son ouvrage L’Alternative nationale : « [d]u peuple, par le peuple, pour le peuple ; en France, le peuple est souverain. C’est de lui que procède le pouvoir, c’est lui qui décide de son destin et c’est pour lui qu’agissent les gouvernants. Tel est, en tout cas, le principe de la souveraineté dans notre nation, tel est le sens profond de l’institution républicaine, tels sont les fondements de la démocratie en France ». 513 Jean-Marie LE PEN, qui ne cesse de rappeler dans ses discours qu’il est issu du peuple514, revendique son statut de président du parti du peuple. Ainsi, lorsqu’il prêche pour Une âme pour la France, Jean-Marie LE PEN parle d’un combat culturel pour la défense de l’identité de la communauté nationale.

La notion d’« âme » du peuple français exprime également, selon nous, l’imaginaire politique du F.N. sur lequel se fonde l’identité nationale.

Pierre-André TAGUIEFF, dans son ouvrage La Couleur et le Sang 515, a montré que « l’âme d’un peuple » est pensée, selon le F.N., comme son « identité » ; ce qui apparaît très nettement dans l’article de Bruno MEGRET, « Débat culturel et combat politique, dans lequel il explique que « [l]a culture est ce qui compte le plus pour donner à un peuple son identité, c’est elle qui lui donne son âme » 516 . Partant de cette définition, nous souhaitons montrer comment les politiques culturelles du F.N. représentent le peuple, comment elles organisent et préparent les représentations esthétiques et culturelles du peuple dans l’espace public, en soulignant la dimension fantasmatique de ces conceptions de peuple. La défense par le F.N. de la culture française en tant que « culture authentique du peuple français » traduit la confusion entre l’authenticité de la culture populaire et l’authenticité de l’identité française. Seules les valeurs et les logiques culturelles de la « culture populaire française », peuvent représenter le peuple, selon lui, le peuple et ses valeurs. Nous estimons qu’il s’agit d’une façon de légitimer par la défense du « peuple » la politique culturelle xénophobe qu’il promeut dans ses discours et dans ses pratiques.

La conception culturelle du « peuple » est à distinguer, selon nous, des conceptions culturelles élaborées par le F.N. de l’identité française. Aussi, nous estimons qu’il convient de distinguer trois dimensions spécifiques de l’identité au sein des représentations mises en œuvre dans le champ des politiques culturelles : une dimension sociale, une dimension nationale, et une dimension liée à l’âge.

Notes
512.

MENY et SUREL (2000), p.249

513.

MEGRET (1996), Cité par MENY et SUREL (2000), p.73

514.

Jean-Marie LE PEN, lors de son discours d’inauguration de la fête de Jeanne d’Arc de 1997, s’est présenté de la sorte comme un « [p]etit-fils de paysan et de marins qui dans la première moitié du siècle travaillèrent, pour certains, comme mon grand-père Le Pen, dès l’âge de cinq ans, quinze heures par jour, sept jours par semaine, élevèrent des enfants sans allocations familiales ni espoir de retraite et allant de temps à autre mourir à la guerre, j’ai connu dès l’enfance la dureté de leur condition. […] ». Cette tirade se conclut ainsi : « je suis à même de comprendre ceux qui travaillent et leurs humbles mais lancinants problèmes ». L’intégralité du texte est accessible sur le Site Internet du Front national dans les pages consacrées aux Archives.

515.

TAGUIEFF (1998)

516.

MEGRET, in LE PEN (1987), p.101