2 – Dimension nationale de l’identité

La politique culturelle de défense des formes populaires de médiation culturelle constitue, pour le F.N., une forme de légitimation de son combat pour la défense d’une approche fermée et xénophobe de l’identité française.

L’exemple des arts urbains nous permet de montrer que la confusion entre les termes de « culture » et de « civilisation » participe de la rhétorique du F.N. Quand le F.N. parle de rap et de tags, il stigmatise très clairement les banlieues et les populations immigrées et dissimulent ces attaques par la sacro-sainte défense de l’identité nationale. Cet exemple exprime ainsi l’approche fermée de la culture frontiste et la stigmatisation des autres cultures.

Les politiques culturelles rejoignent ainsi les autres aspects de la politique du F.N. Elles servent en particulier à légitimer la politique restrictive de l’expression culturelle de l’identité française par la référence aux exclus et aux petites gens, aux classes « véritablement » populaires. Et en même temps à se donner une image ouverte, généreuse. Dans tous ses discours, le F.N adopte la posture de la victime, ce qui lui confère une authenticité quant à la défense des « petits contre les grands ». Étant lui-même rejeté et « exclu » de la classe politique française, il se fait légitimement passer pour le fervent défenseur du peuple. Aussi, le Front national se définit comme le parti du peuple français, celui qui parle en son nom et qui légitime la préférence nationale. Il multiplie les références au peuple dans tous ses discours et ce quel que soit le sujet abordé. Le terme « peuple » renvoie à plusieurs définitions qui seront utilisées dans les discours et programmes frontistes.

La revalorisation des cultures régionales dont nous avons présenté certaines actions mises en œuvre dans les villes administrées par le F.N. est également une composante de cette dimension nationale de l’identité. Elles symbolisent un retour aux traditions et au patriotisme qui est fortement revendiqué dans les politiques culturelles frontistes.

Dans son ouvrage Pour la France, Jean-Marie LE PEN rappelle que ce qu’il nomme « le retour de la France » impliquerait une sensibilité des français « au message de la nature, de la tradition, de l’homme, de l’infini », c’est-à-dire plus précisément « un retour en la croyance de notre pays […] un retour au patriotisme [...] un retour à l’exigence morale » 520. L’association des termes « croyance », « patriotisme » et « morale » n’est pas sans rappeler une théorie défendue en 1902 par Maurice BARRES, dans son ouvrage Scènes et doctrines du nationalisme, selon laquelle les catholiques verraient dans le patriotisme une forme de prolongement de la morale.521. Par ailleurs, cette dimension nationale de l’identité traduit la volonté d’un « redressement moral et intellectuel »522 par la mise en œuvre de politiques culturelles reflétant l’idéal politique frontiste. Cette notion de « redressement » exprime également l’héritage nationaliste dont le Front national est porteur. En effet, en 1871, l’écrivain et philologue Ernest RENAN523 rédigea un ouvrage intitulé « La réforme intellectuelle et morale »524.

Notes
520.

LE PEN (1982), p.168

521.

Maurice BARRES a développé cette théorie dans le chapitre « La terre et les morts », Tome 1.

522.

Cette « expression » est issue de l’ouvrage Pour la France de Jean-Marie LE PEN.

523.

Ernest RENAN (1823 1892) était un spécialiste des langues sémitiques. Il étudia notamment les origines du christianisme, le statut de la science, et publia des recueils de souvenirs.

524.

Ce titre fut repris, en 1982, par Jean-Marie LE PEN : Pour la France, La réforme intellectuelle et morale, Paris, Editions Albatros