1 – La pureté de la nation française

Le terme « nation » apparaît également dans les quatre ouvrages : Pour la France (1982) : 2 occurrences ; L’impératif du renouveau, les enjeux de demain (1986) : 2 occurrences ; Bruno MEGRET, « Débat culturel et combat politique  (1987) : 7 occurrences ; et 300 mesures pour la renaissance de la France : l'alternative nationale : programme du gouvernement (1993) : 2 occurrences.

La nation, telle que la définie Benedict ANDERSON dans son étude sur le nationalisme550, est une « communauté imaginaire, et imaginée comme intrinsèquement limitée et souveraine. Elle est imaginaire parce que les mêmes membres de la plus petite des nations ne connaîtront jamais la plupart de leurs concitoyens. » En ce sens, la nation exprime des valeurs, des goûts communs à tous les concitoyens dans le respect de règles et de normes propres à la défense de l’identité nationale. C’est en ce sens que nous interprétons la « communauté » dont font partie les membres du Front national : une communauté partageant les mêmes valeurs et attentes, et ressentant les mêmes agressions.

Dans son article « Métaphysique de Jean-Marie Le Pen » paru dans l’ouvrage collectif Le Front national à découvert 551 , Pierre-André TAGUIEFF a détaillé deux traditions présentes dans les discours nationalistes : « L’une privilégie le modèle de l’organisme, s’ordonne aux valeurs « organiques » d’unité, de hiérarchie des éléments, de solidarité et d’harmonie, valeurs qui se situent au principe d’une vision traditionaliste […] (enracinement, famille, travail, patrie). [Et dans l]’autre dérive de cette nébuleuse politico-scientiste […] coexistent convulsivement l’individualisme concurrentiel de type libéral, les théories de la race et de la sélection (l’eugénique raciale), les conceptions polémologiques, voire guerrières ou soldatiques, de l’existence humaine ».

Le discours culturel se calque non seulement sur cette théorie développée par Pierre-André TAGUIEFF, mais aussi sur ce que Michel WINOCK nomme « un nationalisme fermé »552.

Le nationalisme fermé est l’expression du fait que selon le F.N., la patrie est en danger. Le nationalisme fermé représente une idée de la décadence et de l'obsession collective contre tous les agents de corruption, vrais ou supposés le menaçant. Il vise l'élimination des « intrus convoitant la nation » (juifs, immigrés, révolutionnaires).

Le F.N. revendique sa volonté de servir une « culture enracinée », et entend promouvoir un art et une culture qui parlent aux français. Le nationalisme fermé apparaît dans le programme culturel du F.N. à travers à la fois la volonté de permettre à la culture française de rayonner à nouveau, mais aussi à travers le refus de tout dialogue interculturel.

L’idée de pureté de la nation, telle qu’elle est revendiquée par le F.N., symbolise une nation fière de ses traditions, de ses valeurs conformes à la morale et à la loi naturelle. En inculquant au peuple les valeurs, considérées comme saines, de la civilisation française, en exprimant le choix de la préférence nationale, et en dénonçant les attaques qui menaceraient la nation et contre lesquelles le combat est nécessaire, le Front national diffuse un message prônant le « combat culturel ». Mobiliser le peuple à « prendre les armes » est légitimé par ailleurs dans l'article 3 des statuts du F.N qui le présente comme un parti ayant pour motivation la : « [défense de] la souveraineté nationale et l'indépendance de la Nation. Attaché à la liberté d'expression et d'opinion et au respect de la neutralité politique de l'école, le Front national est favorable au gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Jean-Marie LE PEN se défend ainsi de toutes les critiques en stipulant qu’il s’exprime au nom du peuple français et pour la défense de la souveraineté nationale.

Mais le concept de pureté de la nation, telle que nous venons de le présenter, permet au parti, par le biais de la thématique d’une menace bipolaire, de légitimer sa politique d’immigration.

Sur le plan culturel, cela se traduit par le projet politique de mise en œuvre d’une politique culturelle chargée de la promotion du « Beau, [du] Bien, [et du] Vrai ».

Notes
550.

ANDERSON (1996), p.19

551.

TAGUIEFF (1996), pp. 174-175

552.

WINOCK (1990), pp.11-40