1 – La mise en scène du politique

Les pratiques rituelles et cérémonielles vont s’attacher à célébrer le groupe F.N. et son leader par une mise en scène du politique particulièrement tournée sur le registre de l’affectif. La mise en scène du politique représente les identités politiques dans l’espace public, en donnant à voir et à entendre leur expression.

Par la mise en œuvre de cérémonies, répétitives et savamment préparées par le F.N., les participants aux manifestations politiques, ont le sentiment d’appartenir à un groupe formé par des rites qui leur confèrent une identité propre. La ritualisation a donc également pour fonction de définir un temps propre durant lequel les membres de la communauté confortent leur appartenance à un groupe.

Dans le cadre du F.N., la ritualisation exprime diverses traditions : l’héritage du romantisme, le classicisme et le militarisme, les liturgies chrétiennes et certains éléments de la culture du mouvement ouvrier, mais aussi et surtout la symbolique et le mysticisme du nationalisme, ancien et nouveau (le feu et les drapeaux, le sang et les chansons).

La mise en scène du politique, telle qu’elle est mise en oeuvre par le F.N., répond aux mêmes critères d’indentification que ceux du spectacle vivant dans la mesure où elle s’adresse au public en essayant de le convertir ou de le séduire. Jean-Marie LE PEN aborde une majorité de thèmes durant ses meetings afin de sensibiliser le plus grand nombre en passant du « nous » aux « autres » tout au long de ses discours : « nous » désigne les membres du F.N., ceux qui adhèrent à son idéologie, et « autres » désigne tous les acteurs que combattent le F.N. « L'Etablissement a beau avoir manié tour à tour le baîllon et la trique pour tenter de nous museler, mal lui en a pris » 588 .

Le travail de mise en scène du politique dépend aussi bien du discours que de la représentation des identités et des acteurs. Ainsi pour mobiliser et encourager à l’engagement, Jean-Marie LE PEN n’aura de cesse d’inciter ses troupes à développer un travail d’argumentation. L’utilisation de symboles par le F.N., exprime le sens qu’il donne au politique. La langue est un système d’appartenance qui dans le cadre du Front national est renforcée par un travail conséquent d’un point de vue rhétorique dont l’objectif est d’exacerber le sentiment d’appartenance à une communauté spécifique.

Par la multiplication de rassemblements, par le rituel avec lequel ces rassemblements sont organisés et par la répétition des messages diffusés par Jean-Marie LE PEN et les siens, le Front national parvient à sublimer le politique. Ainsi, les différentes manifestations du parti instaurent un temps institutionnel, un temps politique, par l’élaboration et la mise en œuvre d’un calendrier scandé par des retours réguliers. Selon Philippe BRAUD, les pratiques qu’il nomme « pratiques rituelles et cérémonielles », «se déploient dans un espace qu’elles dynamisent, [en mobilisant] des lieux, des objets, des individus, [et en sollicitant] le regard mais aussi, le plus souvent, l’ensemble des dispositifs sensoriels » 589 . Dans le cadre du Front national, la forte charge émotionnelle qui émane de ses rassemblements est amplifiée par l’utilisation systématique des thématiques obsessionnelles qui composent l’imaginaire frontiste.

Notes
588.

Discours de Jean-Marie LE PEN lors de la 17ème Fête des Bleu-Blanc-Rouge, 1997

589.

BRAUD (1996), p.131