1 – L’expression de la médiation passe par la création artistique

La médiation culturelle se fonde sur des pratiques et des formes symboliques communes de sociabilité et de représentation de l’appartenance. Dans l’espace public, les acteurs politiques ne peuvent exister pleinement que dans la garantie de la visibilité, par la reconnaissance des autres acteurs. Le sujet s’inscrit dans la création par référence à un idéal de soi de l’appartenance et de la sociabilité. Or par l’imposition de règles et de normes esthétiques spécifiques au nom d’une idéologie, les politiques culturelles du F.N. vont à l’encontre des logiques de médiation dans l’espace de la sociabilité. L’idéal politique du Front national, reposant notamment sur une conception fermée des politiques culturelles par la revendication programmatique de « renaissance culturelle » nationale, est contraire au principe de liberté de création des artistes, et à celui de libre choix des publics.

Par ailleurs, à l’imposition et la censure exercée par le F.N., s’ajoute la volonté de privatiser du secteur culturel : « [l]ibérons la culture et la création artistiques des entraves de l’Etat, des commis et des commissions ». Pour le F.N., la création artistique devrait ainsi être organisée et gérée par la société civile, et non par l’Etat. Cette revendication découle du principe de liberté formulé par le F.N. dans son programme de 1993. Elle exprime à la fois les positions libérales du F.N., mais aussi l’absence de réelles propositions relatives à la conception, à l’élaboration et à l’évaluation des politiques culturelles publiques.

Philippe SERS, dans son livre Totalitarismes et avant-gardes,a défini la représentation esthétique et culturelle comme une « double vérification ». « La première est celle du témoin vigilant qui scrute la réalité, y lit l’événement et le transcrit, c’est-à-dire en donne la trace lisible par une convocation de la réalité au tribunal du sens. La seconde est celle de l’auditeur/regardeur-artiste, qui revit l’événement et vérifie par lui-même la vigilance du témoin et la validité du témoignage » 604 .

En l’absence de toute forme de médiation culturelle, le F.N. ne peut pas représenter un idéal des acteurs dans l’espace de la sociabilité, dans la mesure où ses logiques esthétiques et culturelles ne prennent pas en compte ce principe de « double vérification ». En effet, l’imposition des règles et des normes, telle qu’elle est préconisée par le F.N. dans le cadre de ses logiques de création, reviendrait à représenter une idée déterminée de la société et de l’art et aurait ainsi pour fonction de mobiliser les consciences principalement autour de ce projet programmatique de « préférence nationale ».

Par ailleurs, c’est cette « double vérification » qui permet au créateur d’établir le principe de distanciation des acteurs de la médiation et peut notamment représenter et exprimer une forme de résistance au pouvoir.

Notes
604.

SERS (2001), p.284