Dans son ouvrage consacré à la médiation culturelle, Bernard LAMIZET a établi la différence entre le langage culturel et les codes culturels ; ces derniers étant définis comme étant des « médiations qui permettent de reconnaître et d’interpréter les langages culturels, c’est-à-dire de leur donner un sens en identifiant leur système social d’appartenance » 614 . Le code culturel correspond, par conséquent, à un mode de signification des formes et des représentations et peut ainsi exprimer aussi bien l’appartenance que l’exclusion, ce qui est exprimé à travers la distinction du « nous » et des « autres ». Les politiques culturelles s’inscrivent dans cette double dimension ‑appartenance/exclusion‑ qui s’articule parfaitement à la théorie d’un complot, qui serait, selon le F.N., à la fois intérieur et extérieur. La reconnaissance des formes esthétiques mises en œuvre par le Front national implique une interprétation de son langage culturel.
Dans le cas de l’idéologie frontiste, le besoin de reconnaissance est extrême car ceux qui en sont porteurs ne se réfèrent qu’à certaines normes et valeurs qui fondent leur appartenance à un groupe social réuni autour d’une identité politique.
Ainsi, la dimension exclusive des politiques culturelles s’exprime tant par l’existence de ce groupe unifié, que par une représentation du monde prônant le primat de la nature sur la culture, la victoire des « forts » sur les « faibles », etc…
La politique de censure pratiquée, au niveau local, par le parti à la fin des années quatre-vingt-dix souligne cette dimension exclusive de l’identité politique du F.N.
Dans une interview accordée à Anne-Caroline JAMBAUD pour le magazine Lyon Capitale en mai 1998, Pierre VIAL, alors premier vice-président F.N. de la commission culture de la région Rhône-Alpes, a rappelé son refus de toute forme artistique d’« exaltation d’une société multi-culturelle ». C’est selon ces critères que la compagnie Image Aiguë s’est vu retiré ses subventions, pour l’année 1998-1999, par le Conseil régional Rhône-Alpes.
Sous la direction de Christiane VERICEL, cette compagnie existe depuis 1983 et rassemble une vingtaine de personnes (artistes, techniciens et responsables administratifs). Sa singularité tient à la création de spectacles inventés avec des comédiens de nationalités et d’âges différents, rencontrés au cours de voyages dans divers pays et réunis par la scène où ils parlent leur langue d’origine.
Les messages véhiculés par cette compagnie d’ouverture, d’échange et de partage sont en opposition avec les valeurs défendues par le Front national.
Le langage et les codes culturels du Front national sont déterminés par une dimension d’appartenance à une société régie selon des règles et des normes fidèles à des traditions respectant l’ordre moral. L’existence même de ces règles et normes est constitutive d’une dimension exclusive de l’identité politique du F.N. Aussi, les politiques culturelles mises en œuvres par les maires et les conseillers régionaux frontistes expriment cette double dimension.
LAMIZET (2000), p.186