C – Le livre

Le marché de l’édition française est un secteur économique détenu en majorité par deux grands groupes de presse, Hachette et Interforum. Outre l’éditeur, deux autres acteurs interviennent dans le marché du livre : le diffuseur et le distributeur.

La diffusion et la distribution sont deux activités complémentaires qui permettent aux petits éditeurs –les grandes maisons d’édition ayant leurs propres représentants- de présenter leurs publications aux libraires par le biais de représentants.

Ces maillons de la chaîne du livre permettent une large diffusion des ouvrages sur le territoire national et/ou international.

Le Front national dénonce la crise du secteur de l’édition qui serait dû selon lui à trois principaux facteurs : le prix trop élevé du livre, le « rôle pernicieux de la CGT [qui serait] en situation de monopole » dans le domaine de l’impression, et la baisse du nombre de lecteurs français. Ces facteurs, exposés dans l’ouvrage de Bruno MEGRET, L’impératif du renouveau, les enjeux de demain 657 , sont appuyés par le constat suivant : « Nos littérateurs [sont responsables car] ils donnent dans le nombrilisme. Nos pédagogues également. A un commentaire de Corneille, ils préfèrent un débat sur la paix ou le racisme. C’est plus facile » 658 . Au-delà des écrivains, coupables d’une forme de « parisianisme » littéraire, Bruno MEGRET dénonce le travail de l’ensemble des médiateurs du livre (libraire, enseignant, journaliste, etc…), en utilisant le terme péjoratif « littérateur ». Le travail des acteurs du champ littéraire contribuerait à la diffusion d’une pensée unique illustrée, au travers de ce commentaire, par la défense des droits de l’homme. Or c’est bien cette pensée unique qui est dénoncée par le F.N. : dans la déclinaison de sa théorie du complot, le F.N. se présente en victime des « censeurs » de l’édition française qui refuserait, pour des raisons idéologiques, d’éditer, de diffuser et de distribuer les ouvrages appartenant à sa famille politique. Aussi, dans la logique de construction d’une « contre-société », le F.N. a créé son propre réseau d’éditions.

Dans le cadre des publications de l’extrême droite française et du Front national, hormis l’ouvrage de Jean-Marie LE PEN, paru en 1984 aux éditions Carrère/Lafon, tous les livres des dirigeants du parti ont été édités par des maisons d’édition d’extrême droite. Ces maisons n’étant pas distribuées par le réseau classique de l’édition, elles ont dû utiliser d’autres moyens de diffusion de leurs catalogues : Vente par correspondance (V.P.C.), stands lors des manifestations politiques, envoi de mailings aux militants, promotion des auteurs par le biais des médias officiels du parti ou des médias sympathisants.

L’émergence d’Internet a permis au F.N. de développer son audience en ciblant les internautes grâce aux liens interactifs. Certains sites de particuliers ou d’associations consacrés à des auteurs, proposent des liens avec des associations satellites du F.N. ou directement avec son site institutionnel. Sur ces sites, sont proposés les ouvrages de dirigeants frontistes ou de militants. Par le biais d’Internet, le F.N. revendique une augmentation croissante du chiffre d’affaires de ces maisons d’édition, ce qui leur a permis de développer leurs catalogues. Ainsi, le mouvement lepéniste a lancé en juillet 1997, une collection d’ouvrages à petits prix659, « La tradition en poche », qui se compose de deux séries intitulées «Les classiques » et « Un regard national ». Par « classique », le F.N. entend redonner ses lettres de noblesse à certains auteurs phare de la littérature d’extrême droite : BAINVILLE, BARRES, PEGUY, DRIEU LA ROCHELLE, MAURRAS, BLOY660.

Les premiers volumes de la série « Un regard national » ont abordé des thèmes d’histoire ou d’actualité en traitant du M.S.I.661, de l’Occident, et du nationalisme irlandais.

Par ailleurs, quelques bibliothèques municipales et universitaires possèdent, dans leur fonds, certains titres émanant du parti, mais ils ne sont accessibles que « sur demande ».

En réponse aux critiques émanant des acteurs de la médiation culturelle à l’encontre des politiques de rééquilibrage opérées par les maires de Vitrolles, Orange et Marignane, le F.N. s’est saisi de ce fait pour dénoncer l’absence de pluralisme dans les bibliothèques publiques. Le F.N. argumentera ses propos en montrant qu’il est le seul parti politique français dont les ouvrages rédigés par ses dirigeants ne sont pas librement accessibles aux lecteurs. Ce constat permis au F.N. de rappeler que son programme culturel revendique l’application de principes de liberté et de responsabilité662 qui ferait défaut aux politiques culturelles françaises.

Notes
657.

MEGRET (1986)

658.

Ibid, p.116

659.

Au moment des faits, chaque titre de cette collection coûtait trente francs (4,58 euros).

660.

Cf. Annexe n°22 présentant la biographie de quelques uns de ces auteurs.

661.

Cf. Définition présentée dans la note de bas de page n°176.

662.

Ils ont été présentés dans la seconde partie, p.26.