1 – 3 – Le Rock Identitaire Français et le Front national

Les liens entre le R.I.F. et l'extrême droite sont multiples : maisons de production, dédicaces lors des « Fêtes Bleu Blanc Rouge » ou des Universités d’été, présence d'Alain SANDERS (éditorialiste à Présent) sur la pochette d'un album de Vae Victis 683.

L'émergence de cette nouvelle culture musicale est le signe d'un bouleversement de générations au sein de l'extrême droite. En effet, dès le début des années 90, le Front national s’est rendu compte du vieillissement de ses cadres dirigeants, et ainsi de la nécessité de mobiliser les jeunes par l’intermédiaire du Front national de la Jeunesse (F.N.J.). Fondé en 1973, cet organe interne du parti concerne le 16-24 ans et prétend compter plus de 12 000 adhérents en 1995684. Il est composé de directions régionales, de fédérations départementales et de sections locales. Le F.N.J. est à l’initiative de nombreuses actions de sensibilisation à l’idéologie frontiste telles que F.N.J. Vidéo, Radio LE PEN Jeune, et de nombreuses bandes dessinées. Par ailleurs, il diffuse les publications nationales Perspectives, Le Bulletin, mais aussi locales, Alternative, Citadelle, Le Croisé, Front, L'idéal, Jeunesse debout, Jeunesse volontaire, Regard, Volontaire, Volonté jeunesse.

Le rock représente depuis sa création un mouvement de rébellion musicale et une dénonciation de l’ordre établi. Il s’adresse à la jeunesse en lui proposant une vision idéalisée de ce que devrait être le monde, la société, dans lesquels les auditeurs vivraient pleinement et librement.

Ce mouvement musical a été repris par le F.N.J. afin de remettre au goût du jour les valeurs frontistes auprès d’un public jeune. Cette stratégie lui a permis de renouveler une partie de son électorat en s’adressant à une jeunesse qui, face aux problèmes de chômage et d’insécurité, retrouve dans cette musique une certaine vision idéalisée d’une société où tous les facteurs néfastes (l’immigration, notamment) seraient absents. Ces sentiments sont encouragés sous l’impulsion des concerts et festivals durant lesquels le spectateur, tout comme lors d’un meeting politique du Front national, se sent appartenir à une même famille attaquée qu’il doit défendre.

Fiametta VENNER, dans son ouvrage Extrême France 685, souligne que « l’usage fréquent de la musique dans les mobilisations de droite radicale tant comme mobilisation que comme accompagnement a pour le groupe l’intérêt de développer aussi bien une aire culturelle alternative que de marquer l’enracinement traditionnel des militants ». L’utilisation de la musique dans le cadre de notre champ de recherche correspond, selon nous, à une forme de musique identitaire dont la principale fonction réside dans la socialisation et l’identification de ses acteurs, qu’ils s’agissent aussi bien des groupes que du public. Par ailleurs, ce genre musical suscite les rassemblements de nombreux groupuscules identitaires qui se reconnaissent, en totalité ou en partie, dans l’idéologie du F.N.

Aussi, sans pour autant se revendiquer officiellement comme proche de ce mouvement, le Front national, aux travers de ses associations et manifestations culturelles, a participé à la diffusion et à la promotion du R.I.F.

En mai 1998, un festival R.I.F. était organisé dans le treizième arrondissement de Paris. Suite à de nombreuses lettres adressées à la Ville de Paris, ainsi qu’à la mairie du XIIIe arrondissement, par des associations de lutte pour les droits de l’homme, les concerts furent annulés. Les trois groupes programmés In Memoriam, Vae Victis et Ile-de-France sont les plus connus dans la sphère du R.I.F. Pour pallier cette annulation et satisfaire cette nouvelle génération de sympathisants, Bruno MEGRET reprogramma le Festival, le 8 novembre de la même année, au Stadium de Vitrolles.

Cet événement fut l’occasion pour lui de se démarquer des autres dirigeants frontistes pour lesquels ce genre musical ne correspond pas entièrement aux références culturelles nationales. En effet, cet événement traduit l’absence de cohésion quant aux choix culturels du Front national. Comme nous l’avons rappelé tout au long de cette thèse, chaque courant politique composant le parti possède ses propres références et tente de les imposer au Bureau politique. Néanmoins, lors des grandes manifestations publiques les choix musicaux de Jean-Marie LE PEN sont majoritairement représentés.

Notes
683.

Le groupe Vae Victis a été produit à ses débuts par la S.E.R.P.

684.

Chiffres cités dans l’ouvrage de Jean-Yves CAMUS, Le Front national - Histoire et analyse, paru en 1996.

685.

VENNER (2006), p.404