Chapitre 1 : Le terrorisme en sciences sociales : une violence politique spécifique

L’objet de ce chapitre n’est pas de faire une analyse scientifique du « terrorisme ». Le constat quasi-unanime de la profusion des définitions (Schmid et Jongman, 1988, p. 3) ne se pose pas de manière déterminante pour notre approche. Notre objet portant sur les « discours politiques antiterroristes », notre intention n’est pas de fournir une définition supplémentaire du « terrorisme ». Ce travail exigerait outre, une érudition que nous n’avons pas, un espace insuffisant pour un chapitre de thèse (voire probablement pour une thèse entière). Une telle entreprise risquerait de nous entrainer dans les dérives de « l’idole chronologique, c’est-à-dire l’habitude de se perdre dans des études d’origine » (Simiand, 1903 (1987), p. 167). Pour éviter ce biais, nous avons souhaité borner ce chapitre par une hypothèse (structurer l’appréhension scientifique du « terrorisme » selon une dialectique de continuité et de discontinuité) et une visée limitatives (utiliser le mot terrorisme grâce à une définition certes incomplète mais disposant d’un degré suffisant de solidité et d’intelligibilité). Notre objectif liminaire est donc opératoire : il s’agit de faire une revue du « terrorisme » en sciences sociales dans le but de circonscrire et d’expliciter notre acception du terme pour, in fine, l’utiliser sans ambiguïté53 tout au long de ce travail.

D’une manière schématique, cette étiologie peut s’appréhender à travers une dialectique de la continuité et de la discontinuité caractérisant le rapport entre le « terrorisme » et d’autres formes de relations sociales, notamment l’engagement violent dans l’action collective. Soit la violence « terroriste » est vue comme une rupture ou un dysfonctionnement vis à vis des contestations sociales traditionnelles et elle constitue une aberration, soit elle est appréhendée comme une stratégie politique spécifique mais disponible pour des acteurs contestataires. Dans cette seconde acception, elle fait partie d’un répertoire d’action. Fondamentalement cette grille de lecture dichotomique est simpliste et ne recouvre pas la réalité sociale mais elle revêt pour nous une vertu taxinomique. L’emploi du mot violence signale notre volonté de réinscrire le « terrorisme » dans l’héritage sociologique de la violence politique. Il nous semble en effet que les projecteurs, médiatiques ou académiques, braqués sur le « terrorisme » ont parfois masqué les ressources heuristiques disponibles dans le champ de la violence politique. En décrivant les éléments de continuité et les spécificités de l’objet « terroriste » vis-à-vis de la violence, nous souhaitons appréhender le « terrorisme » comme une violence politique spécifique.

Notes
53.

Une clarification qui prendra la forme syntaxique d’un retrait des guillemets.