1.3.2 Le discours « alternatif » : lutte contre le terrorisme et respect des droits de l’homme

Les représentants de ce second registre dénoncent les discours martiaux et exigent le respect des droits de l’homme et des libertés civiles dans le combat contre le terrorisme. Les partisans de ce discours « alternatif » (Murdock, Elliott, Schlesinger, 1983) soutiennent la riposte seulement si elle respecte les principes de l’État de droit et les libertés fondamentales.

Par exemple, Lionel Jospin approuve le principe de « fermeté dans la riposte » mais « à condition que cela se fasse dans l’État de droit » (20 septembre 1986). Il s’inquiète également des effets pervers d’une assimilation du terrorisme à la guerre. « La France n’est pas en guerre. Attention à ne pas faire des terroristes des soldats. Nous attendons du gouvernement des actes, pas des discours guerriers. Car la guerre, c’est la restriction de la liberté, de la xénophobie, la victoire ou la défaite » (16 septembre 1989). Jean-Jack Queyranne lie fermeté et respect des libertés civiles dans un préalable au soutien populaire au gouvernement. « Les citoyens attendent du gouvernement qu’il fasse preuve d’esprit de responsabilité et de fermeté dans l’action tout en respectant l’État de droit » (16 mars 1986). Cette position est partagée par ministres tels que François Léotard, ministre de la Communication et membre du Parti Républicain. « Face au défi fondamental, la réponse des Français doit être culturelle et fondée sur des valeurs morales […]. Si jamais nous répondions de manière violente, ce sont les autres qui l’emporteraient » (20 septembre 1986). Le Président de la République s’inscrit également dans cette voie.

Certes, il soutient le gouvernement dans sa posture de fermeté. « Il ne faut pas ménager les terroristes, il faut leur dire ce qui est. Ils mènent une opération de sang, ils doivent donc savoir ce qui leur en coûte » (20 septembre 1986). Mais il n’hésite pas à rappeler la nécessaire conciliation entre la fermeté et le respect des droits de l’homme : « Face au terrorisme, il y a deux règles absolues : un combat sans merci et le respect de la pratique démocratique » (19 septembre 1986), « il faut punir [le terrorisme] dans les conditions compatibles avec la démocratie » (20 septembre 1986). Cette exigence difficile à atteindre tant la tentation d’une répression illimitée est grande est le signe de la supériorité de la démocratie. « Nous n’allons pas, par contagion, par faiblesse de l’esprit, répondre à la barbarie par une autre forme de barbarie. Mais cela est compatible : la plus grande fermeté dans le respect du droit » (5 janvier 1987). Le prolongement du discours alternatif se matérialise dans une critique démocratique de la lutte contre le terrorisme.

Selon ces critiques, la lutte contre le terrorisme n’est que le paravent d’une politique sécuritaire liberticide. Le secrétaire général du Parti communiste, Georges Marchais, illustre bien ce positionnement. « Les attentats criminels servent de prétexte à des campagnes racistes ainsi qu’à des tentatives de limitation des libertés individuelles et d’accroissement des mesures de fichage policier » (16 septembre 1986). Selon lui, la menace terroriste est instrumentalisée pour servir d’autres fins ; celles d’une surveillance généralisée ou l’augmentation des dépenses d’armements. Il constate un « signe d’égalité de plus en plus fréquent entre terrorisme et guerre. Cette confusion volontaire est particulièrement dangereuse car elle vise à légitimer la course aux armements » (19 septembre 1986). Alain Krivine, membre du bureau politique de la Ligue communiste révolutionnaire, dénonce l’opportunisme liberticide et xénophobe du gouvernement. Les attentats sont « une aubaine pour le gouvernement qui en profite pour faire passer une politique répressive sans efficacité face aux terroristes mais particulièrement dangereuse pour tous les étrangers en France et les démocrates français eux-mêmes » (16 septembre 1986).

A l’inverse de cette posture démocratique, la dernière figure oppositionnelle ne s’inquiète pas des risques liberticides des mesures antiterroristes mais plutôt de leur inefficacité.