1.3.3 La pusillanimité du gouvernement contre le terrorisme

Ce type d’opposant soutient la logique belliciste de la riposte gouvernementale tout en regrettant sa modération. Ce positionnement se retrouve essentiellement à l’extrême-droite et il s’actualise dans la revendication d’assimilation du terrorisme à la guerre et dans la critique corollaire de l’impuissance du gouvernement à lutter contre cette violence. « Il s’agit d’une forme moderne de la guerre qui appelle moins des condamnations verbales et parfaitement inefficaces que des mesures concrètes procédant d’une volonté infrangible de s’attaquer impitoyablement au terrorisme et aux terroristes » (Jean-Marie Le Pen, 16 septembre 1986).

Les mesures annoncées sont inadaptées car elles manquent la cible principale : la lutte contre l’immigration.

« Ces mesures nouvelles contre le terrorisme n’ont rien de nouveau, elles sont subalternes et médiocres, et il ne faut pas attendre de résultats importants dans la lutte contre l’immigration. On n’attend pas du premier ministre une déclaration verbeuse mais une prise de responsabilité à l’échelon du problème » (Jean-Marie Le Pen, 16 septembre 1986). ’

Il s’agit de prendre des mesures marquées du sceau de l’exceptionnalité comme la constitution d’un gouvernement de « salut public » et l’encouragement à la délation : « J’ai dit au chef de gouvernement qu’il fallait associer largement la population à la lutte antiterroriste et permettre aux citoyens les plus courageux de montrer qu’ils ne se laissent pas intimider par ce genre de menace » (Jean-Marie Le Pen, 20 septembre 1989).

Pour les partisans de ce registre, la matérialisation de la réelle volonté gouvernementale serait la réinstauration de la peine de mort, abolie cinq plus tôt456. Jean-Marie Le Pen estime ainsi qu’en temps de guerre, des moyens ultimes se justifient.

‘« A partir du moment où l’on entre dans le jeu des terroristes, on devient leur prisonnier. On ne sort jamais gagnant d’un tel engrenage. Il me semble qu’il est conforme à la justice d’un pays de prévoir que celui qui distribue la mort risque à son tour la mort. Vous évitez ainsi tout risque de chantage. Il faut savoir que le terrorisme, c’est la guerre, et que la guerre exige que l’on prenne ses responsabilités. Le pouvoir doit être suffisamment fort pour assumer ses responsabilités, quelles qu’elles soient » (cité par Le Quotidien de Paris, 13 septembre 1986). ’

Cette demande n’est d’ailleurs pas l’apanage de l’extrême-droite puisque le député gaulliste René Godfrain la réclama également. Selon lui, il faut que « la justice ait juridiquement les moyens de condamner à mort les terroristes » (18 septembre 1986). Cette question de la peine de mort appliqué aux auteurs de crimes terroristes reviendra régulièrement dans les situations d’attentats.

L’argumentation d’un déséquilibre entre l’État et les terroristes, à première vue évidente et logique (le terroriste peut tuer des citoyens innocents alors l’État n’a pas le droit de tuer le coupable d’un crime équivalent), souffre pourtant d’une faiblesse inhérente. Cet argumentaire considère la relation terroriste comme une relation uniquement utilitariste au sein de laquelle l’engagement violent du terroriste est appréhendé selon une réflexion coût/avantage. En somme, augmenter les coûts, par l’aggravation de la sanction physique jusqu’au point ultime de la peine de mort, amoindrirait les avantages de l’engagement violent et donc, in fine, l’engagement violent. Les recherches sociologiques sur les mouvements sociaux ou les groupes violents ont démontré depuis bien longtemps les insuffisances de ce type de réflexion pour appréhender l’action collective violente. En dépit de cet aveuglement, la peine de mort sera de nouveau réclamée à chaque épisode terroriste d’importance (1995 et 2004 notamment).

Près de dix ans plus tard, la France connait une nouvelle série d’attentats. Moins meurtriers et plus espacés, ces épisodes de violence conduiront à des réactions politiques relativement similaires, sauf dans la construction de l’ennemi et la profondeur de la solidarité partisane.

Notes
456.

Jean-Pierre Stirbois, « Les conditions d’un consensus », Le Monde, 24 septembre 1986.