En 1995, le gouvernement a tenté d’afficher une communication publique maîtrisée (Cettina, 2001, p. 152). D’emblée, le Président de la République cadre son discours autour de deux axes : « fermeté et vigilance » (25 juillet 1995457). A rebours des déclarations martiales de septembre 1986, Jacques Chirac diffuse une posture de responsabilité s’illustrant dans une détermination calme et lucide comme illustrée par ces propos lors d’une interview à TF1. « Je suis tout simplement comme les Français, calme, inquiet et j’ajouterai si vous le voulez bien, compte tenu de mes responsabilités, déterminé » (10 septembre 1995). Au sein des discours gouvernementaux, l’assimilation de la guerre au terrorisme est abandonnée au profit d’une dénonciation de la barbarie des terroristes comme levier de mobilisation partisane et populaire. L’absence d’une dramatisation et d’un lexique guerrier n’empêche pas pour autant l’affichage de la détermination et de la revendication d’une vigilance populaire et d’une solidarité nationale.
Les premières déclarations consécutives aux attentats contiennent un soutien aux victimes et une prudence dans la désignation des auteurs. Le ministre de l’Intérieur, Jean-Louis Debré, tente d’accorder le temps politique au temps policier et judiciaire. « C’est vrai qu’un certain nombre d’indices orientent nos recherches […]. Mais à l’heure actuelle, il est trop tôt pour nous orienter définitivement » (28 juillet 1995). Le 28 septembre, il réitère sa prudence en évoquant l’enchevêtrement des responsabilités et la nécessaire longueur des enquêtes policières : « La lisibilité [des attentats] est loin d’être claire. […] Seules les enquêtes en cours détermineront les auteurs des attentats ». Le ministre de la Justice, Jacques Toubon, souhaite de son côté que tout le monde fasse « preuve d’une très grande prudence » (31 juillet 1995). Cette volonté gouvernementale d’une maitrise de la communication se heurta cependant à une exacerbation de la tension avec la succession des attaques au début du mois de septembre et à de fortes dissensions publiques entre les services antiterroristes458. En outre, l’objectif de modération n’oblitérait pas une stratégie de dénonciation de l’ennemi.
Sauf mention contraire, les déclarations politiques proviennent des dépêches de l’agence de presse Reuters.
Cicéron, « Un pilote de trop dans la lutte antiterroriste », Le Monde, 23 septembre 1995.