2.2.1 Une vigilance populaire nécessaire

La communication gouvernementale continue de promouvoir l’exigence d’une participation de la population à la prévention de la violence. Même avec le déploiement de nombreuses forces de sécurité, la vigilance populaire reste essentielle pour les dirigeants politiques.

‘« L’action de la police sera d’autant plus efficace qu’elle sera soutenue, relayée et accompagnée par la population. Chaque entreprise, chaque administration, chaque collectivité doit se sentir concernée par la sécurité de ceux qui y travaillent et du public qu’elle accueille. Chacun d’entre nous, quelle que soit sa responsabilité, doit se sentir investi d’une mission personnelle dans ce domaine » (Jean-Louis Debré, 22 août 1995).’

Le ministre de l’Intérieur utilise deux arguments distincts pour justifier cette attention accrue de la population : celui de l’efficacité et celui de la mission civique. La rhétorique de la mobilisation nationale est d’autant plus utile que les mesures de sécurité pèsent sur la vie quotidienne des Français. « Je voudrais rendre hommage aussi aux Français qui ont, je dois le dire, pris avec beaucoup de sérieux cette situation en accentuant leur vigilance et en acceptant les contraintes » (Jacques Chirac, TF1, 10 septembre 1995). L’union nationale et l’impératif de sécurité permettent de justifier la soumission à des règles contraignantes.

‘« Vous avez vu que beaucoup de mesures ont été prises pour le filtrage, y compris à l’égard des parents dont certains se sont plaints, mais dont l’immense majorité a compris et accepté les contraintes pour l’interdiction de stationner, pour l’enlèvement de toutes les poubelles aux alentours des écoles et on va continuer à prendre des mesures de cette nature pour assurer la sécurité » (Jacques Chirac, France 2, 5 septembre 1995). ’

D’une manière comparable à la situation de 1986, la responsabilité individuelle du citoyen est rappelée pour améliorer la prévention de la violence.

‘« Chacun doit être très vigilant. Et la sécurité d’un corps social c’est naturellement les moyens qu’il met à la disposition de l’ordre mais c’est également la responsabilité et la vigilance de chacun. […] [Je] crois que tous les Français doivent être personnellement vigilants : regarder et prévenir » (Jacques Chirac, ibid.).’

Ce discours est reproduit par le ministre de l’Intérieur, Jean-Louis Debré, qui insiste sur une double responsabilité collective et personnelle.

‘« Il faut que l’ensemble des citoyens considèrent qu’il y a une double responsabilité, une responsabilité de l’État […] et une responsabilité individuelle. Il faut se considérer comme citoyen et être vigilant quant aux paquets que l’on remarque, quant aux personnes à comportement suspect. […] Il faut que les Français m’aident et se sentent mobilisés » (26 juillet 1995).’

Les dirigeants politiques se féliciteront d’ailleurs de la participation mesurée et maîtrisée de la population aux efforts de prévention et de surveillance. « Les attentats terroristes ont été assumés par les Français de façon admirable. On me disait encore à New York, où j’ai rencontré beaucoup de monde, et hier à Bonn, que les Français avaient impressionné le monde par leur calme face à la tragédie des attentats » (Jacques Chirac cité par Le Monde, 27 octobre 1995). Si l’ensemble de la population française est visée par l’exigence de mobilisation, sa fraction musulmane est plus particulièrement la cible des discours.