Le gouvernement exige le soutien des parlementaires dans la mesure où ceux-ci représentent symboliquement l’ensemble de la Nation.
‘« Face au péril, les Français ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Ils ont réagi avec sang-froid et dans l’unité et je tiens à rendre hommage aux responsables politiques de toutes sensibilités présents sur tous les bancs qui ont fait preuve d’un grand esprit de cohésion et d’une solidarité sans faille » (Alain Juppé, 3 octobre 1995). ’Cette solidarité s’est illustrée par la réception de l’ensemble des représentants des groupes parlementaires par le Premier ministre le 17 octobre 1995. A la fin de cette réunion, Alain Juppé « remercia les responsables de toutes les formations politiques [représentées au Parlement] qui, depuis le début de cette crise et ce matin à nouveau, ont fait preuve, dans leurs réactions, d’un esprit de responsabilité ». Comme en 1986, le soutien au gouvernement s’exprime rapidement dans l’ensemble des partis politiques.
A droite, la solidarité est automatique même si le gouvernement regrette parfois la modération de sa majorité parlementaire469. Par la voix de son secrétaire général, le RPR « [fait] toute confiance au gouvernement, qui a déjà fait preuve de sa complète détermination à faire face à cette violence odieuse » (Jean-François Mancel, cité par Le Monde, 18 août 1995). Le Parti socialiste exprime également son soutien et le justifie par une posture de responsabilité. « Les socialistes […] entendent témoigner du plus grand sens des responsabilités et soutiennent le gouvernement dans tout ce qu’il entreprendra pour lutter efficacement contre le terrorisme » (Jean Glavany, cité par Le Monde du 18 août 1995). Ancien candidat à l’élection présidentielle de 1995, Lionel Jospin souhaite la suspension temporaire du rôle critique de l’opposition. « Nous devons aussi refuser toute polémique, toute utilisation de ces événements tragiques dans la dispute politique ou au service de la critique du gouvernement actuellement en place » (cité par Le Monde, 20 août 1995). Pourtant, incidemment, il insinue que le gouvernement ne fait pas tout ce qu’il faudrait mais que l’opposition, par esprit de responsabilité, se garde de le dire. Cette idée est confirmée par l’introduction d’une dissonance dans l’expression de la solidarité.
‘« J’ai constaté que pour lutter efficacement contre [le terrorisme] il fallait absolument récuser toute exploitation politicienne. Parfois, il y a des tentations, mais il ne faut pas y céder [car] le terrorisme est un fait trop grave pour qu’il puisse y avoir des différences de second ordre. Cela ne veut pas dire pour autant qu’on ne se pose pas de questions, comme se les posent tous les Français aujourd’hui. Qui y a-t-il derrière ces attentats, y avait-il des signes précurseurs, est-ce qu’on peut attendre de nouveaux attentats, quelles dispositions prendre ? Ça, les pouvoirs publics se posent aussi ces questions. Mais sur le fond, il faut absolument faire bloc » (Laurent Fabius, 9 décembre 1996).’Une fois les périodes d’attentats éloignées et à l’occasion de la procédure législative de la loi du 22 juillet 1996, l’opposition parlementaire reprend un discours plus critique, essentiellement fondé sur le registre « alternatif ».
« On peut dire sans autosatisfaction excessive que le gouvernement, dans la lutte contre le terrorisme et dans la conduite des enquêtes pour démanteler les réseaux terroristes, a bien travaillé. Quand je le dis, cela n’a pas beaucoup de poids. Si de temps en temps quelques-uns des ténors de la majorité le disaient je suis sûr que cela ferait un vacarme considérable et tout à fait positif » (Alain Juppé, 8 novembre 1995).