1.2 La verbalisation des affects comme substrat de l’indignation

L’évocation des victimes et de leur souffrance conduit à un discours affectif au sein duquel le dirigeant politique manifeste ses affects. Nous nous intéressons donc à l’émotion « éprouvée » (Micheli, 2008) qui se manifeste au sein du discours par une attribution des affects.

‘« Le terme d’“attribution” comporte l’avantage de ne faire aucune référence à l’intériorité du locuteur : le discours ne se donne pas ainsi dans la transparence d’un simple passage de l’intérieur vers l’extérieur. Lorsqu’on dit qu’un locuteur s’attribue une émotion, on ne préjuge en rien de l’existence ou non de celle-ci en amont du discours : on porte son attention sur le processus discursif même. Une telle perspective est ajustée aux textes de notre corpus, dont on ne saurait sous-estimer le caractère mûrement planifié et éminemment stratégique.par une désignation lexicale des sentiments » (Micheli, 2008).’

Cette attribution des sentiments peut être « dénotée » ou « connotée » (Kerbrat-Orecchioni, 2000, p. 61). L’émotion dénotée implique un acte de référence à l’état émotionnel du locuteur mais cette désignation peut être directe ou indirecte. D’une part, une dénotation directe par la verbalisation des affects à l’aide de traits désignant des états émotionnels et, d’autre part, la dénotation indirecte, qui implique des mécanismes d’inférence (l’attribution de postures affectives se fonde traditionnellement sur un sentiment éprouvé comme la solidarité ou la compassion).

Toutefois, l’expression de l’affectivité dépasse la seule désignation lexicale de l’émotion. L’émotion peut être ainsi « connotée » dans différents moyens verbaux, syntaxiques ou lexicaux. Enfin, l’émotion « éprouvée » participe également de la construction d’un éthos de crédibilité chez le locuteur.

Au sein des discours antiterroristes, la désignation lexicale des émotions s’articule autour des topiques de la douleur et de l’horreur. Ces traces affectives sont prolongées par l’expression de postures affectives comme la solidarité. En s’attribuant ces émotions, le locuteur s’inscrit dans un « régime de partage » qui vise la proximité avec son auditoire.