A la désorganisation produite par l’attentat, les dirigeants politiques répondent par une image de maîtrise. Leur but est de rassurer la population par leur capacité à agir selon les normes du bon gouvernement. Notre analyse de contenu montre la prégnance d’éléments linguistiques relevant de la présentation d’une discipline personnelle et de l’encadrement des actions publiques. Nous avons donc rassemblé au sein d’une thématique de la « maitrise » différentes traces lexicales et sémantiques renvoyant à cette double signification : les occurrences référant à une présentation de soi disciplinée (prudence, mesure, sang-froid, précaution) et celles référant à une prise de décision gouvernée par la raison (décision, responsabilité, réflexion, coordination).
Ce registre thématique est le plus répandu des thèmes relevés dans l’analyse de contenu avec 3,7 indices linguistiques de la « maitrise » par discours. Il s’affirme avec le temps et connait une augmentation constante au fur et à mesure que les discours prononcés s’éloignent du jour de l’attentat. Sa fréquence est régulière parmi les déterminants tels que le médium (presse, télévision ou radio) ou le rôle institutionnel : les discours médiatisés comme les discours gouvernementaux révèlent une fréquence de 3,7 références665. Par contre, le clivage partisan signale une distinction plus importante : on retrouve 2,4 occurrences de la « maitrise » à droite (gouvernement et opposition confondus) contre 5,1 occurrences à gauche.
L’écart se creuse encore si l’on ne prend en compte le critère partisan qu’au sein des seuls discours gouvernementaux : 5,4 occurrences dans le gouvernement de gauche (automne 2001) contre 1,8 dans le gouvernement de droite (mai 2002 et mars 2004). Cette différence ne nous semble pas explicable uniquement par le fait que les locuteurs de gauche feraient preuve de plus de maitrise dans leurs discours que leurs homologues de droite, mais bien par un effet conjoncturel. La surreprésentation des discours de septembre 2001 (72% du corpus utilisé pour l’analyse de corpus contre 6% pour 2002 et 22% pour 2004) fournit une clé d’interprétation pertinente. En effet, à la suite des inquiétudes provoquées par les attentats du 11 septembre 2001 (ampleur de la catastrophe et craintes du déclenchement d’un conflit généralisé), la posture de maîtrise fut largement utilisée : les discours de 2001 contiennent une fréquence conséquente du registre de la « maitrise » (4,7 en 2001 contre 3,5 en 2002 et seulement 1,1 en 2004) susceptible de « gonfler » les représentations des locuteurs de gauche au gouvernement.
La corrélation entre le registre émotionnel et celui de la « maitrise » constitue un élément intéressant. La comparaison de l’apparition discursive des deux registres renforce notre choix de les distinguer. Si nous observons une baisse du registre émotionnel à partir de la troisième semaine consécutive à un attentat, la thématique de la « maitrise » se maintient tout au long des périodes analysées. En outre, les deux registres s’opposent au sein d’un même discours : leur coefficient de corrélation666 est de 0,2. En d’autres termes, quand le registre de la « maitrise » est employé dans une déclaration, celui de l’émotion est pratiquement absent. Après ces remarques générales sur la distribution statistique de ce registre, nous allons nous attacher à révéler ses représentations lexicales principales.
Les discours d’opposition contiennent 3,1 références et 3,9 pour les discours provenant de la majorité parlementaire.
Le coefficient de corrélation étudie l’intensité de la liaison qui peut exister entre deux variables. Plus le coefficient est proche de 0, plus les deux variables sont indépendantes l’une de l’autre.