Au sein du processus législatif, le discours antiterroriste se modifie et s’imprègne d’éléments juridiques. Même si les projets de loi antiterroristes sont débattus lorsque le souvenir d’attentats demeure très présent, les promoteurs des projets de loi refusent d’utiliser une stratégie argumentative fondée sur l’émotion. Les justifications se fondent sur des arguments juridiques illustrant le passage d’un système de démesure, propre au discours mobilisateur, à un système de mesure, caractéristique du discours décisionnel.
En écho à la réappropriation de la temporalité au lendemain d’un attentat, le gouvernement fait alors la preuve de sa maîtrise politique en substituant la pondération à la réprobation par l’intégration des réponses antiterroristes dans un processus parlementaire réglementé.
‘« Le gouvernement justifie sa riposte antiterroriste, précisément parce qu’il peut faire la preuve d’un déplacement de perspectives. En effectuant ce simple changement de registre (excès/mesure), il apporte ainsi la preuve qu’il contrôle la situation, parce qu’il en contrôle le langage. En respectant le sens de la proportion (l’équilibre entre fermeté exigée par la situation et le cadre juridique), il montre que les mesures préconisées ne sont pas de circonstances » (Marchetti, 2003, p. 598).’En outre, la stratégie de lutte contre le terrorisme s’inscrit dans des principes juridiques conformes au cadre culturel national. Cette conformité a pour objectif de conforter le consensus autour de la mission du gouvernement. En France, le style historique de l’action publique790 se rapproche plutôt d’un modèle centripète au sein duquel la lutte contre le terrorisme demeure centralisée791 et l’ensemble des réformes adoptées confirme cette configuration originelle. La logique de ces mesures est un renforcement continu soit par le durcissement des procédures pénales (allongement de la durée de garde à vue, intervention tardive d’un avocat, allongement de la prescription), par l’alourdissement des peines ou par l’extension du champ des actions incriminées.
Ce durcissement est justifié par deux types registres sémantiques principaux : celui de la nécessité et celui de la conformité. Le premier registre se fonde sur une interprétation menaçante du problème social à éliminer tandis que le second se construit vis-à-vis des valeurs démocratiques fondamentales. La justification des réformes antiterroristes se développe autour d’un axe visant l’équilibre : entre le niveau des menaces et le niveau de la répression et, entre l’efficacité de la répression et les garanties démocratiques. Seul le maintien de cet équilibre permet d’obtenir le consensus social.
Commaille Jacques, Jobert Bruno, 1999, Les métamorphoses de la régulation politique, Paris, LGDJ.
A l’inverse, en Grande-Bretagne, on retrouve un modèle centrifuge (dit du containment) dans lequel il s’agit de contenir la violence à la périphérie (en Irlande du Nord notamment) (Marchetti, 2003, p. 586).