L’opposition parlementaire se trouve dans une position difficile lors d’un débat parlementaire sur l’antiterrorisme. Elle doit affirmer son refus de la violence et le soutien aux revendications d’union nationale émanant du gouvernement tout en continuant à jouer son rôle d’opposition. La figure oppositionnelle s’illustre donc dans une adhésion à la lutte contre le terrorisme comme objectif mais avec une divergence sur les moyens de cette lutte. Traditionnellement, les opposants de gauche doivent se prémunir d’un soupçon de faiblesse par rapport au terrorisme tandis qu’à droite (cas plus rare puisque la situation n’apparait qu’en 2001), les opposants doivent avancer la mesure et la proportionnalité de leur fermeté.
Les situations historiques analysées présentaient une configuration politique homogène avec un gouvernement de droite, depuis peu aux responsabilités et une opposition à gauche810 : gouvernement de Jacques Chirac en 1986 après la victoire de la coalition RPR/UDF aux élections législatives de mars 1986 et gouvernement d’Alain Juppé après la victoire de Jacques Chirac aux scrutin présidentiel de 1995 et le maintien de la large majorité parlementaire de droite depuis 1993. La gauche socialiste et communiste, traditionnellement rétive à aborder les questions de sécurité811, pouvait s’inscrire dans le type « alternatif » du discours antiterroriste (Schlesinger, 1983) qui s’illustrait par une condamnation de la violence terroriste et un soutien dissonant au gouvernement. Tout en insistant sur la nécessité de la lutte contre le terrorisme, elle s’inquiétait du respect des libertés civiles812. De ce point de vue, la situation de l’automne 2001 offrait une expérimentation originale même si les arguments échangés se sont limités aux mêmes cadres interprétatifs historiquement stabilisés.
Contrairement à la Grande-Bretagne où la question du renouvellement des pouvoirs d’exception conduit à une plus grande périodicité des discussions parlementaires, le discours oppositionnel ne dispose que d’un temps de parole limité, celui de la discussion de la loi (Marchetti, 2003). Ce raccourcissement de la durée d’expression conduit à l’adoption d’un ton plus polémique, à visée publicitaire. Le discours parlementaire se développe dans des cadres de discussion relativement fermés et les arguments se déplacent également vers un terrain idéologique plus global où la lutte antiterroriste n’est que le décor d’un champ de bataille plus important. Pour cela, les parlementaires usent de différents outils argumentatifs qui constituent des stocks d’armes rhétoriques soumises à un ordonnancement strict et selon des logiques contraignantes : fermeté contre laxisme, sécurité contre libertés, etc. Ces registres argumentatifs jouent sur l’interdiscursivité et s’appuient sur des références plus larges à des principes d’action en vue du bon gouvernement.
Le registre binaire fermeté/laxisme est relativement classique dans l’opposition entre la gauche et la droite en France. Le gouvernement présente préalablement sa réforme législative comme ferme en réponse à une situation lue comme inquiétante. Mais il joue sur l’effet de contraste en dénonçant le laxisme de ces prédécesseurs comme l’avait fréquemment utilisé la droite en 1986. Si l’accusation de laxisme perdit de la vigueur à la suite de l’alternance et de l’échec du gouvernement de Jacques Chirac à endiguer le terrorisme en septembre 1986, elle réapparut plus tardivement sous une forme modifiée. Par exemple, en 1995, Jean-Louis Debré critiqua la complaisance de la gauche parlementaire et intellectuelle vis-à-vis de la violence protestataire.
‘« Certains responsables politiques et une fraction importante des élites ont choisi, souvent par conformisme intellectuel, de se voiler la face devant les conséquences de cette évolution. En laissant aux extrémistes le soin de poser les questions embarrassantes, en leur abandonnant le monopole des valeurs patriotiques, ils ont joué avec le feu, contribuant ainsi à creuser un fossé entre le peuple et ses représentants. L’enjeu, aujourd’hui, n’est plus une simple alternance entre droite et gauche, mais l’idée même que nous nous faisons, nous Français, de la République et de la nation » (« Pédagogie républicaine », Le Monde, 30 septembre 1995).’Cette accusation d’irresponsabilité politique se décline par l’emploi d’un registre réalisme/utopie. La droite au gouvernement critique le manque de réalisme de ces adversaires et dénonce les erreurs du gouvernement précédent à l’instar de Charles Pasqua.
‘« Il faut savoir quand même dans quelle situation nous nous sommes trouvés en arrivant. Nous nous attendions à trouver une situation assez mauvaise, ms c’est pire que ce que nous pouvions imaginer. Je veux dire par là que, certainement animés des meilleures intentions du monde, mais au nom d’une idéologie marquée du sceau de l’utopie, on a laissé s’installer sur le territoire national des centaines, pour ne pas dire des milliers, de personnes qui appartiennent à des mouvements terroristes » (interview à RTL, 16 novembre 1986)813.’Au-delà de l’accusation d’une gauche, soupçonnée de faire le tri entre les « bons » et les « mauvais » terroristes, ces critiques s’inscrivent dans une dénonciation plus générale de l’incapacité de la gauche à gouverner814.
Depuis, la régularité de l’alternance politique et la modification de la stratégie politique du Parti socialiste (repérable dès le programme électoral de Lionel Jospin en 1995, la sécurité devient une priorité gouvernementale avec le gouvernement Jospin de 1997815), ce registre a connu une modification notable816. En 2005, Nicolas Sarkozy consacrait la consensus partisan dans le renforcement des mesures antiterroristes : « C’est une constante de la vie politique nationale et un point qui fait consensus : aucune faiblesse n’est de mise à l’endroit du terrorisme et des terroristes » (23 novembre 2005).
A l’inverse, la gauche a souvent dénoncé le discours uniquement sécuritaire de la droite tout en justifiant son argumentation par un déplacement des « grandeurs », de la fermeté vers la justice. Les députés de gauche privilégiaient alors des lois plus justes et non pas, des lois plus fermes. S’il y a consensus sur la finalité, c’est-à-dire la lutte contre le terrorisme, la critique de l’injustice se porte sur les moyens utilisés et, notamment, la crainte d’un effet-cliquet qui rendrait permanent des mesures favorisant un amalgame entre terrorisme et immigration.
‘« Le PS est favorable à tout ce qui peut aller dans le sens de la lutte contre le terrorisme, mais il ne faudrait pas créer des législations d’exception ou des dispositions d’urgence qui deviendraient des dispositions permanentes à destination des étrangers […] Nous regarderons donc chacune des dispositions en fonction de ces deux critères : est-ce que cela améliore l’efficacité du dispositif contre le terrorisme ? Est-ce que c’est respectueux du droit des personnes, quelle que soit leur nationalité ? Faisons attention à ces législations d’urgence, qui peuvent, à un moment, rompre avec nos traditions. » (François Hollande817).’On voit bien ici que l’opposition s’inscrit dans un consensus vis-à-vis de la lutte contre le terrorisme en relevant deux critiques sur la nature opératoire des mesures : l’une sur son efficacité réelle, l’autre sur la pérennisation de mesures vues comme attentatoires aux libertés d’une fraction de la population. La situation particulière de 2001 a conduit les socialistes, alors au pouvoir, a modifié leur discours en axant sur l’efficacité des mesures défendues et leur respect des principes démocratiques par l’introduction de garanties raisonnables. L’objectif était donc de sortir du cadre « fermeté/laxisme » pour reconstituer un cadre d’interprétation en termes d’efficacité fondé sur la proportionnalité et la mesure.
En 2005, à nouveau dans l’opposition, leur position a été double : valoriser leur sens des responsabilités et critiquer le déficit des nouvelles mesures en matière de respect des libertés publiques. Après avoir soutenu un renforcement des mesures antiterroristes en 2001, le Parti socialiste devait présenter une posture cohérente une fois de retour dans l’opposition. Les socialistes ont loué l’équilibre représenté par l’état antérieur de la législation antiterroriste tout en vantant la nécessité d’une mobilisation partisane contre le terrorisme. L’abstention lors du vote illustra cette attitude : « nous maintenons notre position d’abstention, soucieux de traduire ainsi l’unité de l’Assemblée nationale face à ce phénomène préoccupant qui doit être dénoncé » (Christophe Caresche, PS, 22 décembre 2005, séance à l’Assemblée Nationale). Le registre critique s’insère alors dans une structure argumentative préalable où l’efficacité des dispositifs antiterroristes est liée à son encadrement juridique.
La protection des libertés passe par la mise en œuvre de contre-pouvoirs juridiques à l’extension de la vidéo-surveillance818 ou de la consultation des fichiers. De la même manière, les parlementaires socialistes ont défendu la mise en place d’un contrôle parlementaire sur l’activité des services secrets ; une garantie qu’ils s’étaient bien garder de réaliser lorsqu’ils étaient au pouvoir. L’argumentation critique du Parti socialiste s’inscrit dorénavant dans un registre technique et juridique au détriment d’arguments de portée plus générale.
Ce sont les communistes et les écologistes qui ont repris les critiques fondées sur une juste mesure entre la fermeté et le respect des libertés individuelles. En 2001, les communistes ont dénoncé les risques de déséquilibre engendrés par les amalgames entre terrorisme et banlieues. Le sénateur Robert Bret s’inquiétait ainsi des « amalgames et [des] dérapages que génère le vote de mesures antiterroristes dans un texte sur la sécurité quotidienne » au risque de présenter « nos banlieues comme des repères de terroristes en puissance »819. L’argumentation de Noël Mamère fut très proche quand il dénonça une erreur d’appréciation de la menace terroriste et l’absence d’efficacité de textes votés dans l’urgence.
‘« Ce texte est une loi de circonstance inspirée par une conception médiatique et politique de la lutte antiterroriste. Celle-ci devrait pourtant éviter les bavures et les dérapages suscités par un amalgame entre terrorisme, immigration, contestation civile, opposition politique ou petite délinquance » (Assemblée Nationale, séance du 31 octobre 2001).’Le député écologiste dénonce une répression de la subversion terroriste qui de proche en proche finirait par toucher toute contestation sociale, même pacifique.
Lors du débat parlementaire de 2005, les députés communistes ont fondé leur argumentation sur plusieurs éléments classiques : la lutte contre le terrorisme n’est qu’un prétexte à une surveillance généralisée de la population, elle favorise des amalgames entre terrorisme et immigration et à cause de cela, les nouvelles mesures seront inefficaces.
‘« Notre seul objectif aujourd’hui doit être de concilier État de droit et lutte contre le terrorisme, en donnant aux services secrets les outils pour contrôler l’émergence de tout groupe terroriste, pas en organisant un contrôle policier de la société. […] Vous encouragez l’amalgame entre terrorisme et immigration, terrorisme et délinquance, terrorisme et jeunesse, semblant vous saisir […] du prétexte des attentats pour imposer des mesures sécuritaires et porter de nouvelles atteintes à nos libertés publiques » (André Chassaigne, PCF, 22 décembre 2005, séance à l’Assemblée Nationale).’Tout en réaffirmant leur soutien à l’objectif final (la lutte contre le terrorisme), les parlementaires communistes dénoncent les moyens employés et privilégient la répression d’autres types d’infraction, plus représentatives des dérèglements du capitalisme (la lutte contre la délinquance financière). Comment les parlementaires communistes ont-ils défini leurs arguments à l’automne 2001 au moment où le gouvernement auquel ils participaient durcissait certains instruments antiterroristes ?
Le projet de loi sur la sécurité quotidienne avait été présenté au mois de mars 2001 par le ministre de l’Intérieur, Daniel Vaillant, puis il avait fait la navette entre l’Assemblée Nationale et le Sénat entre avril et juin 2001 juste avant la suspension estivale de la session parlementaire. Ce texte n’a pas été originellement prévu pour lutter contre le terrorisme (ces mesures principales étaient la réglementation des raves, l’enregistrement de son identité pour acheter des armes à feu et des mesures contre les chiens dangereux) et ce sont les attentats du 11 septembre 2001 qui ont conduit le gouvernement à insérer avant la seconde lecture au Sénat, des amendements facilitant la fouille des véhicules (notamment des coffres) et des individus (par des agents de sécurité privés à l’entrée des lieux publics). La situation est intéressante pour l’analyse d’une séquence législative portant sur l’antiterrorisme puisque c’est un gouvernement de gauche, s’appuyant sur une alliance entre des socialistes, des radicaux de gauche, des communistes et des écologistes, qui allait défendre un renforcement des instruments antiterroristes. Cette situation politique aboutit à une reconfiguration des frontières partisanes au cours de la séquence législative.
A l’occasion de la lecture définitive à l’Assemblée, l’opposition de droite (RPR et UDF) approuva les amendements antiterroristes tout en refusant de voter le projet gouvernemental tandis que pour les communistes et les Verts, membres de la « majorité plurielle », ce sont ces amendements qui ont déterminé le vote final (abstention pour le PC et vote négatif pour les Verts). Lors de la précédente discussion au Sénat, certains sénateurs socialistes avaient exprimé un malaise palpable tout en votant le texte. « J’espère que nous pourrons revenir à la légalité républicaine avant la fin 2003 » dit par exemple le sénateur socialiste Michel Dreyfus-Schmidt820. En dépit de l’originalité de la configuration partisane, les arguments se sont distribués selon des schémas relativement classiques.
Les opposants de gauche ont critiqué la faiblesse des garanties démocratiques du projet de loi lu comme un texte de circonstance. « Ces garanties ne nous semblent pas suffisantes pour que ce dispositif “exceptionnel” réponde aux exigences de notre État de droit » (Alain Clary, PCF, discussion à l’Assemblée Nationale, 31 octobre 2001). Pour les communistes, le soutien des parlementaires de droite aux amendements antiterroristes renforce les risques de dérives. Les Verts par la voix de Noël Mamère avaient refusé de voter le texte car ils avaient trouvé les amendements antiterroristes « scandaleux »821. Les parlementaires gaullistes avaient également refusé de voter le texte mais pour des raisons diamétralement opposées. Globalement favorables aux amendements antiterroristes et s’attribuant de fait une responsabilité morale, ils avaient dénoncé la nature circonstancielle du texte.
‘« Cette troisième lecture a été fortement marquée, comme je le pressentais, par les circonstances : en l’occurrence, par les attentats du 11 septembre. Jouant pleinement son rôle, l’opposition a unanimement soutenu les mesures présentées par le Gouvernement pour lutter contre les réseaux terroristes. Puissent-elles suffire ! » (Jean-Luc Warsmann, RPR, discussion à l’Assemblée Nationale, 31 octobre 2001). ’La critique a été déplacée sur le terrain plus général de la sécurité et non de l’antiterrorisme, un sujet « sanctuarisé » dans l’espace partisan.
Les parlementaires de droite ont pu déployer les arguments traditionnels sur l’incompétence de la gauche face aux problèmes de sécurité et leur fermeture vis à vis des acteurs locaux de terrain822. Cette interprétation fut partagée par les députés UDF qui s’étaient laissés jusqu’au dernier moment pour décider de voter ou pas le texte. Les mesures antiterroristes ont été justifiées au nom d’une lutte bipartisane contre le mal. « Le groupe UDF a soutenu celles-ci sans réserves ni états d’âme, estimant nécessaire de contribuer au combat des démocraties contre le fanatisme » (Jean-Antoine Léonetti, UDF, 31 octobre 2001). Par contre, des critiques ont été maintenues une fois l’argumentation déplacée sur le sujet de la sécurité où le député centriste dénonça la complaisance des socialistes à l’égard des jeunes. Le texte fut finalement adopté avec les voix des socialistes et des députés radicaux de gauche et du MDC.
Au-delà de la situation particulière de ce débat parlementaire, les stratégies argumentatives échangées entre l’opposition et le gouvernement ont conduit à une modification profonde de la relation entre les valeurs de sécurité et de liberté.
L’année 1982 a connu une attention médiatique et politique intense au sujet du terrorisme. A la suite de l’attentat de la rue des Rosiers, le 9 août 1982, le Président Mitterrand rompit avec sa stratégie d’ouverture envers les organisations clandestines pour centraliser la lutte antiterroriste (création d’un Secrétariat d’État à la Sécurité Publique confié à un proche du Président, François Franceschi, pôle antiterroriste à l’Élysée sous le commandement de Christian Proutaud) (Cettina, 2000, p. 40-42). Toutefois, à la différence de 1986, 1995 ou 2001, cette attention publique ne fut pas suivie d’une séquence législative.
« Au cours des vingt-cinq années qui ont suivi la première alternance de la Ve République, en 1981, aucune majorité parlementaire n’a été reconduite à l’issue d’une législature. La droite a été sanctionnée pour l’inefficacité de sa gestion économique et l’injustice de sa politique sociale. La gauche a été écartée en raison de ses divisions, mais aussi parce qu’on lui reprochait de ne pas veiller assez à la sécurité des Français. Ce reproche, sans doute, était injuste. […] Ce n’était pas tant l’action du gouvernement qui était en cause que le discours de la gauche ou, pour être plus précis, l’incapacité de toute la gauche à tenir ensemble un discours homogène sur la sécurité. La tradition libertaire d’une partie de celle-ci, l’habitude de se centrer sur la seule question sociale pour une autre partie empêchent la gauche d’exposer une politique claire en matière de sécurité » (Jospin, 2005, p. 241-242). Cet aveu, relatif, de l’ancien Premier Ministre rejoint le constat que l’intérêt de la direction du Parti socialiste pour les questions de sécurité et de lutte contre la délinquance ne prit de l’importance qu’à partir du milieu des années 1990. Après la victoire de la coalition de gauche aux législatives de 1997, la sécurité est élevée au rang de deuxième priorité gouvernementale (Bonelli, 2007, p. 137). Voir également Le Roux Bruno, 2001, La sécurité pour tous. Une exigence de justice sociale, Paris, Balland.
Voir chapitre infra.
Des propos qu’il maintient encore aujourd’hui. « L’état dans lequel se trouvait la Direction centrale des renseignements généraux était […] préoccupant. Complètement démobilisée en raison, notamment, de la vague d’amnistie dont l’une des conséquences avait été la remise en liberté de certains membres d’Action directe, il fallait la réorganiser en la dotant de moyens adaptés à ses nouvelles missions » (Pasqua, 2007, p. 179).
« Mais garantir cette sûreté ne passe pas que par des lois et des moyens supplémentaires. La sécurité repose en grande partie sur la crédibilité du Gouvernement, une crédibilité que vous avez entièrement perdue, si vous l’avez eue un jour » (Claude Goasguen, RPR, Assemblée Nationale, séance du 31 octobre 2001).
« Assurer la sécurité est un autre devoir primordial de l’État », Lionel Jospin, discours de politique générale, 19 juin 1997. Laurent Bonelli précisait dans sa thèse que la modification doctrinale du Parti socialiste sur cette question était liée à des modifications des rapports de force au sein du parti et l’avènement de représentants (locaux comme nationaux) qui ont su porter ces exigences pour exister (Julien Dray, Daniel Vaillant, Jean-Jacques Anglade) (Bonelli, 2007, p. 137). Le colloque de Villepinte sur la sécurité d’octobre 1997 viendra consacrer cet aggiornamento (Rey, 2002, p. 29).
Le sénateur centriste Aymeri de Montesquiou nota avec ironie le changement de représentations des socialistes vis-à-vis du thème de la sécurité. « Nombreux sont ceux, dans cet hémicycle, qui pensent à notre ancien collègue Michel Poniatowski et au tollé provoqué en 1976, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, par son projet de loi autorisant la fouille des véhicules en cas de manifestation, tollé auquel avaient en particulier participé ceux qui, aujourd’hui, soutiennent vos propositions, monsieur le ministre... […] Je salue avec plaisir cette évolution - ou plutôt cette révolution - par rapport à la loi de 1976, loi qualifiée de “scélérate” par des parlementaires qui en avaient appelé alors au Conseil constitutionnel ! » (16 octobre 2001, séance au Sénat).
Cité dans Le Monde, 27 octobre 1995
Un rapport parlementaire s’est étonné du faible recours supplémentaire à la vidéo-surveillance depuis la loi du 23 janvier 2006 (seulement onze systèmes installés à Paris depuis cette date) (Rapport d’information sur la vidéo-surveillance, n° 131 (2008-2009) présenté par Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier, Sénat, 10 décembre 2008, p. 34). Cette loi du 23 janvier 2006 a cependant marqué une implication importante de l’État dans le domaine de la réglementation de cette pratique massive (la précédente loi datait de 1995) en exigeant notamment des règles nationales minimales. Ces apports sur l’extension et la facilitation des procédures d’autorisation seront complétés par la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance. Cette continuité législative montre une nouvelle fois la reprise dans la lutte contre la délinquance d’instruments justifiés par l’antiterrorisme. Le rapport conclue pourtant à la faible efficacité de l’outil vidéo dans la prévention de la délinquance. « Les études disponibles semblent indiquer que la vidéosurveillance n’a qu’un faible impact sur la délinquance dans les espaces complexes et étendus » (Rapport d’information sur la vidéo-surveillance, op. cit., p. 54). Selon le document sénatorial, cet instrument est efficace pour la prévention uniquement dans des espaces clos et se révèle déterminant au cours des enquêtes policières.
Cité dans Le Monde, 1er novembre 2001.
Cité dans Le Monde, 31 octobre 2001.
Cité dans Le Monde, 1er novembre 2001. Les Verts étaient situés dans une interprétation proche des associations de défense des droits de l’homme telle que la Ligue des Droits de l’Homme qui s’inquiétait « d’un accroissement généralisé du contrôle social […] dont le terrorisme n’est qu’un prétexte » (cité par Le Monde du 31 octobre 2001).
Le député socialiste Jean-Pierre Blazy répliqua à l’aide d’un argument récurrent : l’accusation d’instrumentalisation des peurs. « Comme toujours, [la droite] préfère discourir et exploiter le sentiment d’insécurité plutôt que de traiter l’insécurité réelle, comme nous le faisons, nous, dans cette loi » (discussion à l’Assemblée Nationale, 31 octobre 2001).