2.2 Une lecture normative des organisations terroristes

Cette appréhension morale se fonde sur l’analyse politique des cibles conférées aux acteurs terroristes et sur l’usage d’un lexique naturalisant le développement des organisations clandestines. Aux États-Unis, les discours politiques expliquant les motivations des acteurs terroristes s’inscrivent dans une perspective religieuse et morale.

Le rapport d’enquête sur les attentats du 11 septembre consacre un chapitre entier à la description et à l’explication des motivations terroristes. Si des causes politiques ne sont pas niées, elles sont relativisées par la nature extrémiste de l’organisation.

‘« Nous avons appris à connaître un ennemi sophistiqué, patient, discipliné et mortel. Cet ennemi bénéficie d’un large soutien dans le monde arabe et musulman, exige réparation pour nos griefs politiques, mais son hostilité envers nous et nos valeurs se révèle sans limite. Son objectif est de débarrasser le monde du pluralisme religieux et politique, du plébiscite et de l’égalité des droits pour les femmes » (11 septembre 2001, 2005, p. 36). ’

En outre, ces griefs politiques s’interpénètrent dans les motivations religieuses tandis que la brutalité de leurs modes d’expression n’appelle qu’une réponse répressive.

‘« Les motivations de ce courant minoritaire sont d’ordre religieux. Ce courant ne distingue pas la politique de la religion et déforme ainsi l’une et l’autre. Il se nourrit des griefs par Ben Laden. Ces griefs sont largement ressentis au sein de l’ensemble du monde musulman – à l’égard de la présence militaire des États-Unis, au Moyen-Orient, des politiques perçues comme anti-arabes et anti-musulmanes et du soutien à Israël. Ben Laden et les terroristes islamistes sont parfaitement clairs : à leurs yeux l’Amérique incarne le mal, “la tête du serpent”, et doit être convertie ou détruite. Pour les Américains, une telle position n’appelle aucune négociation. Elle ne propose aucun terrain d’entente – pas même le respect de la vie – sur lequel entamer un dialogue. Elle ne peut qu’être détruite ou totalement isolée » (11 septembre 2001, p. 536-537).’

En France, également, les références à une pratique dévoyée de la religion sont prolongées par une lecture morale des cibles des organisations jihadistes.