1) Le terrorisme : un révélateur des crises contemporaines

Nous avons vu dans un chapitre précédent de quelles manières les locuteurs politiques disqualifiaient la violence terroriste par son absence de justification. Cette dénonciation s’accompagnait d’un rejet des acteurs terroristes dans la folie et l’irrationalité. Ces derniers n’avaient donc plus leur raison et de fait, ils n’avaient pas de raisons d’user de la violence et du meurtre de masse. Pourtant, l’analyse de contenu menée sur les discours de 2001, de 2002 et de 2004 a révélé l’importance discursive des réponses politiques et diplomatiques au terrorisme ; réponses fondées sur des analyses des origines du problème social.

Ces réponses politiques s’appuient sur une interprétation des causalités de la violence à partir de problèmes économiques, sociaux et politiques et, non pas seulement, à partir d’explications de nature religieuse ou pathologique. Certes les locuteurs n’évoquent pas de liens directs entre les problèmes énoncés et le terrorisme. Ils les présentent comme des facteurs produisant un terreau favorable à l’extrémisme et au passage à la violence ou bien comme des causes légitimes injustement revendiquées par les auteurs des attentats. Imperceptiblement un paradoxe apparait dans les explications du phénomène terroriste : d’un côté, les locuteurs décrivent un ensemble de maux politiques ou sociaux contre lequel il faut lutter et qui constituent des mobiles légitimes à une mobilisation politique, y compris parfois violente ; de l’autre, ils dénient tout lien entre ces contextes de production et l’engagement terroriste et ce, à partir du motif, légitime, de l’emploi du meurtre de masse. Cette contradiction est moquée par Yves Michaud dans son analyse des discours de Jacques Chirac.

‘« Comme il faut […] expliquer qu’il y ait des terroristes un peu partout […] M. Chirac va donc faire appel aux causes lointaines : les racines du terrorisme, ce sont les frustrations qui naissent de conflits non résolus, la misère, le désespoir, l’humiliation. Bref, le terrorisme a pour racine tous les maux que dénonce régulièrement M. Chirac dans les sommets internationaux – pour un peu il le comprendrait. Dommage qu’il emploie de mauvais moyens » (Michaud, 2004(b), p. 143).’

Notre analyse montre que le Président est loin d’être le seul locuteur à user d’une argumentation similaire. Nous verrons dans un premier temps la répartition des causalités en fonction de l’appartenance partisane puis comment ces arguments ont servi à appuyer les appels à des réformes politiques et économiques.