2.2 L’inscription dans une nouvelle période historique : les énoncés du désordre

L’analogie entre des phénomènes sociaux différents s’inscrit dans une tradition scientifique bien ancrée qui inscrit les attentats du 11 septembre 2001 comme le révélateur d’un processus global de privatisation (violence, économie) et d’exacerbation du risque (écologique, sanitaire, industriel)942. Cette tendance renvoie à une série d’analyses (Beck, 1986 (2001) ; Baudrillard, Morin, 2003) qui, sans ignorer l’ampleur exceptionnelle des attentats et des réactions auxquelles ils ont donné lieu, expriment en revanche des doutes face au caractère novateur de l’événement et le réinscrivent dans un processus historique défini. Ils mettent en avant la société du risque, la post-modernité, la mondialisation, la déterritorialisation ou la perte de souveraineté de l’État (dans la régulation de l’économie comme dans le monopole de la violence). Ils proposent ainsi de contextualiser l’événement et ses interprétations au niveau de la structuration sociale et politique de nos sociétés, tant au niveau national qu’international.

Ces travaux offrent une perspective théorique aux récits politiques. Ainsi les discours antiterroristes transcendent le seul phénomène du terrorisme pour l’inscrire dans un dérèglement généralisé du monde social. A cette occasion, les discours antiterroristes sont caractérisés par une importante interdiscursivité par « sa relation multiforme avec d’autres discours » comme « propriété constitutive » de la production discursive (Maingueneau, Charaudeau, 2002, p. 324).

Ces récits se distribuent en trois énoncés943 majeurs qui peuvent être déclinés selon trois modèles schématiques : le modèle du « retour de l’Histoire » qui dénote la renaissance d’une histoire politique violente, le modèle de la « mondialisation terroriste » qui fait du terrorisme un parasite de la globalisation économique et le modèle « de l’état de nature » dans lequel la déstructuration des cadres anciens (frontières, équilibre géopolitique, etc.) conduit à une précarité généralisée. Ces énoncés se détachent des attentats du 11 septembre 2001 pour désigner la période historique consécutive et chaque attentat supplémentaire vient s’inscrire comme une illustration vérificative de l’énoncé global. Ces énoncés sont marqués par une grande transversabilité partisane et circulent parmi l’ensemble des représentants politiques.

Notes
942.

« “Hyperterrorisme” et “risques climatiques”, les nouvelles peurs des réassureurs français », Le Monde, 28 mai 2002.

943.

Le vocable d’énoncé est utilisé dans le sens d’un système signifiant relativement clos et achevé qu’un locuteur manipule au sein des textes.