2.3 Du cognitif au prescriptif : la transformation des cultures stratégiques et le concept de « sécurité globale »

Dans son ouvrage majeur publié en 1986 (2001 en français), Ulrich Beck démontrait le développement historique de risques endogènes à la société (accidents industriels ou nucléaires, épidémie de la vache folle, organismes vivants génétiquement modifiés) qu’il s’agit de gérer et non d’écarter sachant qu’on ne pourra pas en maitriser tous les aspects. Ces processus conduisent à un changement de société : on passe d’une structuration sociale fondée sur la richesse à une structuration fondée sur la répartition des risques. Dorénavant, tous les aspects de la vie sociale sont soumis au paradigme du risque. Le terrorisme est devenu un risque collectif à gérer à l’instar d’autres risques de grande ampleur (naturels, sanitaires, industriels, etc.). Cette insertion est le produit d’une labellisation politique dont nous venons de tracer les contours. Le risque collectif est

‘« une catégorie sur laquelle un certain nombre de partenaires, agissant au nom d’institutions diverses et parfois concurrentes, acceptent à un moment donné de s’accorder pour traiter un ensemble de situations problématiques. L’accord porte tout autant sur la stabilisation de paramètres pertinents et de domaines de validités que sur des règles d’intervention et des répartitions des tâches » (Lemieux, Barthe, 1998, p. 8).’

L’appréhension du terrorisme comme risque collectif s’illustre par l’intervention d’acteurs divers (politiques, militaires, responsables de la sécurité civile) et se trouve formalisée dans la diffusion de la notion de « sécurité globale ».

Au cours de la campagne présidentielle de 2002, si la lutte contre le terrorisme n’a pas été un objet de polémique, le terrorisme a été élevé au rang des menaces mondiales prioritaires dont l’Europe détenait en partie la clé. Par exemple, au cours d’un des derniers discours du second tour, Jacques Chirac inscrivait le terrorisme au sein d’une énumération des enjeux prioritaires de l’UE.

‘« L’environnement, qui nécessite une action collective, car la pollution ne s’arrête pas aux frontières. La sécurité alimentaire, qui implique la mise en place de standards communs. La lutte contre le terrorisme et les grands trafics internationaux. La maîtrise de l’immigration clandestine. La gestion de l’énergie. Le développement de la recherche » (2 mai 2002). ’

La scansion des groupes nominaux accentue une homologie entre des phénomènes sociaux différents, celle de leur nature transfrontalière et donc de leur réponse au niveau international. La perception de risques globaux aux caractéristiques similaires (transfrontalier, meurtrier, etc.), contre lesquels nous devons nous prémunir, a conduit les responsables politiques à dépasser les frontières traditionnelles des domaines de l’action publique afin de trouver une parade commune (Choquet, 2001, p. 20). Ces discours sur les modifications des pratiques de sécurité renforcent d’autant le lien entre le terrorisme et d’autres menaces.

L’exigence de sécurité contenue dans la lutte contre le terrorisme est prolongée afin de gérer d’autres déséquilibres sanitaires ou sociaux.

‘« Notre monde est aujourd’hui totalement bouleversé, et pas seulement depuis le 11 septembre. Et nous avons aussi besoin, par exemple, d’une Europe qui soit plus sûre, qui assure la sécurité ; on pense à la sécurité alimentaire, mais il y a aussi la sécurité maritime, la sécurité des biens et des personnes, la sécurité des citoyens » (Pierre Moscovici, 4 octobre 2001).’

Ainsi, le député Jean-Claude Viollet (PS), dans une réflexion sur le concept et l’organisation de la sécurité nationale, liait lutte contre le terrorisme et sécurité alimentaire. « Le principe de précaution, utilisé dans le domaine de la sécurité alimentaire, pourrait être le fil directeur permettant d’anticiper des attaques éventuelles et de revoir certaines dispositions dans le champ de la sécurité » (cité dans Quilès, 2001, p. 141). Au dépassement des frontières internationales dans les domaines du crime et des risques, doit répondre le dépassement des frontières traditionnelles dans les domaines de l’action publique.

‘« Action extérieure et sécurité intérieure sont ainsi liées puisque la prévention d’attaques (terroristes ou autres) contre notre patrimoine peut exiger une action extérieure, alors qu’inversement une intervention extérieure de notre part est susceptible d’entraîner des attaques contre notre patrimoine. Une agression peut aussi prendre des formes similaires aux risques technologiques ou naturels qui sont habituellement du ressort de la “sécurité civile”. […] Si la défense “traditionnelle” peut rester assurée par l’ensemble actuel de forces classiques et nucléaires, ce continuum sécurité intérieure-sécurité extérieure exige ainsi la coordination et la complémentarité de fonctions qui deviennent des facteurs essentiels de la “défense globale” » (CARA959, 2003, p. 81).’

La sécurité est donc appréhendée comme un référent transcendantal qui justifie la mise en commun des forces de répression.

‘« Elle produit tout un imaginaire spécifique sur la menace et par conséquent sur le nouveau rôle de la police et des enjeux de coopération en la matière. Il ne s’agit plus de traiter de manière cloisonnée les problèmes de “terrorisme”, de drogue, de crime et les problèmes liés au droit d’asile et à l’immigration clandestine, mais bien au contraire de les traiter comme relevant d’un tout interconnecté à la problématique de la libre circulation suivant une logique d’interpénétration des menaces, de “continuum d’insécurité” » (Guittet, 2006, p. 351-352).’

La représentation d’un désordre appelle une demande d’ordre et de sécurité. « Dans ce monde tourmenté qui est le nôtre, la sécurité de nos concitoyens constitue l’un de nos devoirs les plus sacrés » (Nicolas Sarkozy, 23 novembre 2005). Les énoncés du désordre encadrent des discours prescriptifs sur les questionnements opérationnels autour du concept de « sécurité globale ».

En brouillant les frontières du militaire et du policier, cette doctrine a pour objectif de fournir un cadre d’action qui pense la sécurité de manière globale (à l’intérieur et à l’extérieur d’un territoire) et dans des domaines très différents (sécurité économique, sécurité sanitaire, sécurité informatique et numérique, sécurité du territoire, etc.). Enclenchée par la révolution de la sécurité territoriale américaine à la suite du 11 septembre 2001, notamment avec l’intégration de nombreuses structurales fédérales (immigration, sécurité civile, douanes, lutte contre le trafic de drogue, etc.) au sein du Department of Homeland Security à la fin de 2002, la doctrine de « sécurité globale » est une grammaire de l’action publique, commune à plusieurs administrations, qui transcende volontairement la vieille distinction entre « sécurité intérieure » et « sécurité extérieure ». Elle peut se définir comme la

‘« capacité d’assurer à une collectivité donnée et à ses membres un niveau de protection contre les risques et les menaces de toutes natures et de tous impacts, d’où qu’ils viennent, dans des conditions favorisant le développement sans rupture de la vie et des activités collectives et individuelles » (Ocqueteau, 2007, p. 51)960. ’

Sur le plan opérationnel, le référentiel global du désordre conduit à l’accélération d’une conception différente de la gestion de la sécurité. Lors d’un discours devant les auditeurs de la 55ème session de l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale, le 14 octobre 2002, le Premier ministre consacrait ce changement d’interprétation.

‘« Parce que les terroristes ne s’arrêtent pas aux frontières, la distinction classique entre sécurité intérieure et sécurité extérieure n’est plus vraiment, aujourd’hui, pertinente et elles doivent être pensées et organisées ensemble. La sécurité est un tout. C’est une politiqe globale […] Nos frontières de sécurité ne coïncident plus avec nos frontières géographiques » (Jean-Pierre Raffarin, 14 octobre 2002).’

Au niveau national comme européen, les différents attentats et les discours consécutifs ont activé des pratiques politiques et administratives dont l’évidence et le consensus afférent étaient loin d’être acceptées.

Alors ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy se fonde sur cette nouvelle perception de la sécurité afin de réorienter les missions policières et militaires vers la gestion du territoire et de ses habitants.

‘« Le terrorisme pose à vrai dire en termes nouveaux la question de la sécurité intérieure en renvoyant à un concept de sécurité globale combinant quatre facteurs : le territoire, les flux qui le traversent, le respect de l’ordre public et le renseignement. De même, la distinction intérieur/extérieur ne résiste plus à l’épreuve des faits. Le terrorisme rend intenable le cloisonnement entre des missions de protection interne des personnes et des biens, et une mission de défense nationale uniquement tournée vers l’extérieur. Les aspects locaux sont souvent la répercussion de facteurs internationaux et ce qui est hors frontières est susceptible de représenter un enjeu national » (17 novembre 2005). ’

Au-delà des modifications institutionnelles qu’il appelle de ses vœux, on voit bien que les registres discursifs de la fluidité (flux, circulation) et de la transnationalisation bornent le cadre cognitif de la nouvelle doctrine de « sécurité globale ». Cette gestion à la fois territoriale et humaine, fondée sur la surveillance des flux de circulation et la synergie entre l’ensemble des forces de sécurité, fait écho aux réflexions foucaldiennes sur l’origine historique de la société disciplinaire.

Selon Michel Foucault, les instruments contemporains de discipline (tels que la prison ou la police) ont puisé leurs fondations théoriques dans les outils utilisés par le pouvoir pour combattre la peste. Le quadrillage du territoire et la gestion des flux humains imaginés au cours du dix-huitième siècle ont trouvé, dans l’héritage des méthodes de régulation des épidémies, un âge d’or adéquat.

‘« La peste (celle du moins qui reste à l’état de prévision), c’est l’épreuve au cours de laquelle on peut définir idéalement l’exercice du pouvoir disciplinaire. Pour faire fonctionner selon la pure théorie les droits et les lois, les juristes se mettaient imaginairement dans l’état de nature ; pour voir fonctionner les disciplines parfaites, les gouvernants rêvaient de l’état de peste. Au fond des schémas disciplinaires l’image de la peste vaut pour toutes les confusions, et les désordres ; tout comme l’image de la lèpre, du contact à trancher, est au fond des schémas d’exclusion » (Foucault, 1975, p. 200).’

Cette nouvelle conception est loin d’être nationale. Ainsi, l’UE a retenu cette conception de la « sécurité globale » comme son approche dominante depuis 2005.

Le 10 mai 2005, la Commission Européenne, dans les dix priorités qu’elle a fixé aux États membres afin de renforcer l’espace de sécurité et justice, illustrait cette doctrine : lutter contre le terrorisme, définir une approche équilibrée de la migration, mettre en place une procédure commune en matière d’asile, maximiser les retombées positives de l’immigration, élaborer une gestion commune des frontières extérieures de l’UE, trouver un équilibre entre la protection de la vie privée et la sécurité et élaborer un concept stratégique concernant la criminalité organisée961. Cette conception doit favoriser une prise en compte générale, notamment au niveau de la population civile, de la vulnérabilité croissante des sociétés démocratiques et des efforts constant d’adaptation de la part des forces publiques, notamment par l’intensification de l’usage des nouvelles technologies de surveillance et de détection (vidéosurveillances, biométrie, repérage satellitaire), y compris pour des formes de violence éloignées du terrorisme.

En fournissant des points de passage dans la construction des menaces, tout autant que dans les principes d’action nécessaires à leur résolution, les récits politiques analysés rentrent parfaitement dans ce nouveau « référentiel » (Ocqueteau, 2007). La perméabilité des différentes menaces, notamment dans leur dramatisation, tend à « rehausser » toutes les violences au niveau du risque terroriste et in fine à brouiller la spécificité des unes et des autres962. Quelque soit le type de violence visée, la structure narrative garde sa cohérence et l’action politique sa légitimité.

‘« Le souci de l’ennemi semblerait constituer une facette essentielle de maintes structures de croyances qui entravent gravement la pensée et le comportement politiques. Une telle préoccupation focalise l’attention sur la fiction d’un monde politique au passé déterminé et à l’avenir préétabli, où les acteurs sont censés poursuivre des objectifs précis et entreprendre des actions pertinentes en respectant un scénario particulier. […] La série de croyances qui composent ces structures cognitives se réorganisent automatiquement afin que l’attention reste fixée sur l’ennemi quand son hostilité est contestée. […] Quelquefois, la structure cognitive ne peut demeurer crédible et opérante que si les ennemis du moment sont remplacés par d’autres » (Edelman, 1991, p. 155-156).’

La porosité des mises en intrigue des risques et des principes d’action de l’État facilite le maintien d’un même récit face à des défis différents. Par exemple, la Commission de l’Informatique et des Libertés s’est inquiétée des « amalgames » engendrés par le projet de loi sur le terrorisme présenté à l’automne. Dans son avis du 10 octobre 2005, la CNIL regrettait « que le concept de prévention, déjà utilisé et développé tant sur le plan théorique qu’opérationnel dans le domaine de la délinquance “ordinaire” est, appliqué au domaine du terrorisme, à la fois multiforme, imprécis et nécessairement large » et que « cette finalité principale de prévention et de répression du terrorisme est, dans presque tous les cas, étroitement imbriquée avec une ou plusieurs autres finalités »963. Un certain nombre d’acteurs publics ont d’ailleurs un intérêt à appuyer cette lecture indiscriminée de la sécurité, notamment le ministère de la Défense.

Celui-ci trouve dans cette représentation des menaces contemporaines une opportunité de redéployer ses capacités budgétaires et humaines. Pourtant, le ministre de la Défense réinscrit ce déplacement de la stratégie militaire dans l’historicité originelle du concept de la « défense globale »964.

‘« Mais si la nécessité se fait fortement sentir d’une vision globale de la sécurité, nous n’avons pas attendu le “11 septembre” pour l’adopter. La notion de défense globale elle-même figure déjà dans l’ordonnance prise par le général de Gaulle en 1959. Elle prévoit que les forces armées apportent leurs concours aux autorités civiles dans de nombreuses circonstances. La mobilisation exemplaire des armées dans le cadre du plan Vigipirate en est un brillant exemple. Le “11 septembre” nous a conduit à renforcer nos capacités existantes de prévention et de réaction contre d’éventuelles actions terroristes utilisant des moyens nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques. Le “11 septembre” a fait comprendre aux États qu’ils ne pouvaient plus hésiter à exercer leurs fonctions régaliennes. Certains l’avaient oublié » (Michèle Alliot-Marie, 11 septembre 2002).’

On assiste à une relecture de l’ordonnance de 1959 sur la défense globale qui institue que la Défense Nationale « a pour objet d’assurer en tout temps et en toutes circonstances et contre toute forme d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire ainsi que la vie de la population ». Initialement écrit dans le cadre d’une stratégie de défense contre une invasion territoriale, ce document sert de base à la réintroduction des armées dans la protection du territoire y compris contre des menaces non militaires. L’objectif de protection de la population contre une agression extérieure demeure puisque cette dernière n’a pas été définie précisément.

‘« La défense et la sécurité constituent des objectifs vitaux pour le territoire d’un pays. Il s’agit d’abord d’une sécurité nationale protégeant l’État et assurant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Il s’agit ensuite de la sécurité sociétale, protégeant la population. C’est pourquoi la protection civile est devenue une mission de grande ampleur nécessitant des moyens accrus et une meilleure organisation » (Viollet cité par Quilès, 2001, p. 141).’

La Défense se réintroduit dans la lutte contre le terrorisme, domaine policier par excellence en France, par la gestion de crises et la protection civile.

Cette dernière connait également une retraduction afin de dépasser les risques naturels ou humains non intentionnels (comme les accidents industriels) pour intégrer dans sa réflexion et ses protocoles d’intervention les conséquences d’un attentat de grande ampleur.

‘« La défense est donc globale et comporte une phase de gestion de la crise par l’autorité civile lorsque les circonstances sont exceptionnelles. Le concept de défense et de sécurité doit également être adaptable en fonction des crises diverses aux origines multiples : catastrophes naturelles, feux de forêts, risques technologiques et industriels, terrorisme avec menaces nucléaires, bactériologiques, chimiques » (Viollet cité par Quilès, 2001, p. 141).’

Cette transformation des représentations militaires peut également se révéler dans des sphères plus restreintes, par exemple celles touchant à l’évolution de la pensée stratégique. Ainsi, la revue Défense Nationale qui illustre les principales réflexions stratégiques dans le domaine de la Défense a connu des modifications rhétoriques très représentatives.

Jusqu’en décembre 2004, le sous-titre de la revue était « études politiques – stratégiques – militaires – économiques – scientifiques ». En janvier 2005, nouvelle modification avec le changement de dénomination de la revue en Défense nationale et sécurité collective avec un sous-titre identique. Le général Christian Quesnot, président de la revue, défend dans son éditorial ce changement de désignation par une référence à la « sécurité globale ». « Les évolutions du contexte international, la distinction de plus en plus ténue entre les notions de défense et celles de sécurité, leur intégration progressive dans un cadre européen nécessitent une évolution de la revue »965. Au niveau européen également, la lutte contre le terrorisme permet une réinterprétation de l’usage des forces armées.

Le 12 décembre 2003, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE ont adopté leur première stratégie de sécurité intégrant la lutte contre le terrorisme au cœur de la politique étrangère européenne. Le terrorisme a été présenté comme la principale menace à laquelle l’UE devait faire face dans les années à venir, devant la prolifération des armes de destruction massive ou les conflits régionaux. Prenant acte de la fin de la bipolarité et de la disparition d’une agression d’envergure contre un État membre966, le document insiste sur le danger représenté par le terrorisme islamiste.

‘« Le terrorisme met des vies en danger, entraîne des coûts énormes, vise à porter atteinte à l’ouverture et à la tolérance de nos sociétés et constitue une menace stratégique croissante pour l’ensemble de l’Europe. De plus en plus, les mouvements terroristes disposent de ressources importantes, communiquent par l’intermédiaire de réseaux électroniques et sont disposés à recourir à une violence illimitée pour faire un nombre considérable de victimes. La vague terroriste la plus récente revêt un caractère mondial et elle est liée à un extrémisme religieux violent » (Stratégie européenne de sécurité, 12 décembre 2003).’

Les implications en termes de défense ne sont pas négligeables. Ainsi, l’UE n’exclut pas à priori des actions militaires préventives.

‘« Nous devons être capables d’agir avant que la situation dans les pays autour de nous ne se détériore, lorsque des signes de proliférations sont détectées, et avant que des situations d’urgence humanitaire ne surviennent. Un engagement préventif peut permettre d’éviter des problèmes plus graves dans le futur » (Stratégie européenne de sécurité, 12 décembre 2003).’

Cependant, les modalités opérationnelles d’un engagement ne sont pas précisées et seuls des axes très généraux sont dessinés : adaptation des armes européennes aux nouvelles menaces, mise en commun des ressources militaires, implication diplomatique supérieure, mutualisation des renseignements,renforcement du lien avec l’OTAN.

Notes
959.

Le CARA est le Comité d’Analyse et de Réflexion sur l’Actualité et il relève du ministère de la Défense.

960.

Dominique David précise que l’idée d’une « sécurité globale » s’est développée à la fin des années 1980 au sein d’instances internationales telles que l’ONU, à partir de réflexions sur la nature globale et diversifiée des menaces futures (conflits, appauvrissement du Sud, changements climatiques, etc.) (David, 2002, p. 15).

961.

« Le programme de La Haye: dix priorités pour les cinq prochaines années. Un partenariat pour le renouveau européen dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice », COM(2005) 184, Sources : Commission Européenne, [en ligne] http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/l16002.htm , site visité le 12 septembre 2006.

962.

C’est notamment la perception de Didier Bigo qui a développé la notion de « continuum de menaces » pour dénommer ces approches politiques et policières. « Tout se passe comme s’il existait un continuum de menaces reliant terrorisme, drogue, criminalité organisée, mafia, filière d’asile, immigrants illégaux, immigration et demandeur d’asile, transférant l’illégitimité des premiers vers les seconds. Parler d’un continuum de menaces ne signifie pas qu’il y aurait une stricte continuité dans l’esprit de ceux qui l’énoncent et qu’ils confondraient tous terroristes et immigrés. Pourtant, une conversation commencée sur la drogue ou le terrorisme se terminera sur l’immigration et les demandeurs d’asile sans que l’interlocuteur ait conscience d’avoir changé de sujet. Pour lui, il s’agit de la même chose. On ne peut donc plus penser la lutte anti-terroriste sans faire référence à la lutte contre la drogue et l’immigration clandestine (et inversement). […] En un certain sens, ce savoir sur le “continuum de menace” n’est pas faux, il s’appuie sur des processus sociaux importants : la déterritorialisation de la scène internationale, la transnationalisation des flux, la minimisation des capacités de contrôle aux frontières. Localement, sectoriellement, il peut être cohérent. Mais, ce n’est pas pour autant qu’il est raisonné et raisonnable dans sa forme générale » (Bigo, 1996, p. 263-264).

963.

Délibération n° 2005-208 du 10 octobre 2005 portant avis sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme.

964.

Le Livre Blanc sur la Défense de 1994 avait déjà intégré les menaces asymétriques (terrorisme, trafic de drogue) comme enjeu de la protection du territoire sans en faire des priorités stratégiques. « Certaines formes d’agression comme le terrorisme ou, dans plusieurs de ses conséquences, le trafic de drogue, prennent des dimensions telles qu’elles peuvent menacer la sécurité ou l’intégrité du pays, la vie de sa population ou contrarier le respect de ses engagements internationaux. Elles relèvent dès lors de la défense au sens de l’article 1er de l’ordonnance du 7 janvier 1959 » (Livre Blanc sur la Défense, 1994, p. 17).

965.

Défense nationale et sécurité collective, n°1, janvier 2005, p. 5.

966.

« Contrairement à la menace massive et visible du temps de la guerre froide, aucune des nouvelles menaces n’est purement militaire et ne peut être contrée par des moyens purement militaires », Stratégie européenne de sécurité, Conseil de l’Union Européenne, Bruxelles, 12 décembre 2003, document non publié au Journal Officiel des Communautés européennes. Voir [en ligne], http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/r00004.htm . Des extraits du document sont disponibles dans « Les terrorismes », Questions Internationales, n° 8, juillet-août 2004, p. 106-111.